Tonino Benacquista : L'homme en question
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Tonino Benacquista : L’homme en question

Tonino Benacquista délaisse cadavres et mafiosi pour s’intéresser au désarroi masculin contemporain.

Chaque jeudi soir, dans un lieu tenu secret de la capitale française, se réunissent les membres d’une étrange association composée d’hommes ayant souffert à cause des femmes. C’est durant ces séances où chacun peut livrer son témoignage sans crainte d’être jugé que fraterniseront trois hommes qui, en temps normal, n’auraient jamais été appelés à se connaître. Tandis qu’Yves, un poseur de vitres, vient de quitter sa femme dont il a appris l’infidélité, Philippe, philosophe à succès, a été abandonné par la sienne qu’il aime toujours. Quant à Denis, garçon de café et éternel célibataire, il se croit l’objet d’un vaste complot de la gent féminine contre le sexe fort déchu.

Nombreux sont ceux, dans la critique parisienne, à avoir vu dans le nouveau roman de Tonino Benacquista une sorte de précis de la condition masculine actuelle. Un précis sans prétention, faudrait-il nuancer, sous la plume de ce maître du polar français qui a fait de l’ironie et du second degré sa marque de commerce. Délaissant l’univers inquiétant du crime organisé de Malavita et Malavita encore pour un univers plus sécuritaire, propice à l’analyse de l’âme, l’écrivain propose ainsi un premier roman sans cadavre, quoique non dépourvu de nombreux corps.

Notons que le sujet dans l’air du temps d’Homo erectus est loin de nuire au sens romanesque aiguisé de son auteur, chaque héros de ce récit choral voyant se déployer sa nouvelle place dans le monde. Atteint d’une frénésie sexuelle, Yves quête son réconfort chez les prostituées qu’il fréquentera de façon maniaque. Philippe entame une liaison avec une top-modèle, croyant pouvoir se venger de son abandon en possédant l’objet de désir de tous les hommes. Quant à Denis, il verra son appartement squatté par une intruse dont on se demandera jusqu’à la fin si elle n’est pas le produit de son imagination.

Au fil des séances du jeudi, "dernier refuge des grands blessés d’une guerre éternelle" où, tour à tour, un homme différent raconte ses tourments sans pudeur, se dégagera plus qu’une simple dynamique d’incompréhension entre les sexes: la difficulté d’aimer. Le personnage de Philippe, intellectuel pour qui le cercle du jeudi pourrait représenter un sujet d’étude, trouve une certaine salvation dans la posture d’humilité où celui-ci le place. Seul à pouvoir formuler clairement ce qu’il ressent, il expliquera à ses nouveaux amis: "En retrouvant le goût de l’écoute, j’ai revisité toutes mes certitudes et j’ai admis la très grande vanité de mes sentiments hostiles envers celle que j’avais aimée." L’orgueil blessé, donc, davantage que le coeur: voilà de quoi méditer un peu à travers cette belle lecture estivale.

Homo erectus
de Tonino Benacquista
Éd. Gallimard, 2011, 270 p.

Homo erectus
Homo erectus
Tonino Benacquista
Gallimard