Patrick Nicol / Les cheveux mouillés : Porter le blâme
Après La notaire et Nous ne vieillirons pas, Patrick Nicol relève quelques défis esthétiques, et réussit à surprendre ses lecteurs avec son "roman japonais".
Les cheveux mouillés, nouveau roman de Patrick Nicol, se décline en deux parties asymétriques, deux ambiances distinctes. Un homme. Une femme.
Constamment en mouvement, François rend visite à différentes maîtresses. Il terminera son pèlerinage dans la résidence de son fils – devenu père à son tour – pour en ressortir avec son petit-fils sous le bras. Une intrigue s’articulera autour de ce rapt d’enfant. "Pour moi, la structure du roman policier est la plus intéressante. Je ne fais pas des polars, mais j’en utilise la mécanique", explique l’auteur.
Et il y a Claire, la femme de François, recluse dans sa folie et son désir de ravoir un bébé. "On m’a fait remarquer que le roman reposait beaucoup sur le toucher, le corps. Je ne sais pas trop quoi en penser. C’est sûr que la raison de voler l’enfant, c’est juste de le bercer, le baigner, lui donner à manger."
Pour François et Claire, ce petit-fils représente une deuxième chance, car leur expérience en tant que parents se résume au désamour filial. "C’est une chose qu’on ne dit pas souvent, mais ce n’est pas facile d’être amoureux de son bébé de trois mois qui braille tout le temps." Jusqu’à ce qu’il quitte le giron familial, leur enfant fut un fardeau, un étranger. "Au départ, je voulais que le fils soit un monstre. Ça arrive des enfants qui naissent délinquants, avec un "programme". Mais il fallait que ce personnage aussi ait sa chance. Il n’est pas un intellectuel comme ses parents, mais il est devenu un père compétent." Il sera donc plus ardu de blâmer le destin.
Étrangement, c’est grâce aux échappatoires (adultères, travail…) que le couple de François et Claire survit. "Ils ont trouvé un équilibre. Ils se désirent l’un l’autre. Il fuyait la maison, et non pas sa femme. Et elle, c’est son homme qu’elle voulait. S’il n’y avait pas eu de bébé, elle n’aurait pas eu d’amants."
Autre "thème-trouble" sur lequel repose Les cheveux mouillés: l’évanescence de la culture. "François va faire une conférence qui n’intéresse personne. Lui-même ne se rappelle plus ce qu’il a étudié. Il y a comme une perte de mémoire; il cherche un souvenir. Et son enfant ne s’intéressait pas aux histoires qu’il racontait. Il préférait des trucs niaiseux, les comics japonais. C’est comme si on disait que la jeunesse n’a pas de culture, et que les vieux sont en train de la perdre."
UN ROMAN JAPONAIS
À mi-chemin du récit, le personnage de François dit qu’il ne prend plus plaisir à lire parce que les romans se ressemblent tous. "Moi, il y a encore des livres qui me surprennent", lui répondra l’une de ses maîtresses en guise de contrepoids.
"Ça, c’est un peu la clé du livre", concède Patrick Nicol. "Le personnage met le lecteur au défi. Il explique qu’il y a une intention de faire un roman pas comme les autres. Je n’aime pas particulièrement le risque et la provocation. C’est davantage une recherche esthétique." En fait, Les cheveux mouillés est écrit à la manière d’un roman japonais. "Pendant longtemps, je n’ai lu que des romans japonais. C’est l’aboutissement de mon trip japonais."
Les cheveux mouillés
de Patrick Nicol
Éd. Leméac, 2011, 110 p.