Marisol Drouin : Quai 31
Dominic Tardif
Chassés de leur île submergée, Échine et sa mère accostent au Quai 31, royaume vert-de-gris du sexe sans signification, des vieillards à l’abandon et des classes sociales aussi rigides que les barreaux d’une prison. Désolante peinture sur le motif de notre époque, conclurions-nous, si ce n’était de cette cyberpunk dose de prothèses, de chats à exterminer et de maladies étranges que Marisol Drouin introduit dans ce cloaque nauséeux. Perte de repères moraux et cannibalisme social; le constat flirte avec l’alarmisme, mais est heureusement délayé dans une écriture ciselée, qui ne dédaigne pas l’humour noir. Éd. La Peuplade, 2011, 120 p.
De métaphores en métaphores
Ce récit n’est certainement pas à prendre au premier degré. Sinon, il se résumerait dans l’écriture d’un conte fantastique sans amarres. Mais si nous lui donnons des prolongements métaphoriques, alors il foisonne d’une multitude de signifiants et le sens se fait plus profond et bien ancré dans notre réalité.
Le premier sens est celui des effets dévastateurs de la consommation des uns sur la vie et la société des autres. En premier lieu, celui des catastrophes écologiques initiées par cette consommation désordonnée et la prévision de l’immersion de zones d’habitation fragilisées par la montée des eaux. En second lieu, celui de l’exploitation des populations obligées de fuir ces catastrophes par ceux demeurés à l’abri. Se dégage aussi un pessimisme devant le sort réservé aux populations vieillissantes parquées dans des mouroirs.
Toutefois, c’est par un effort d’imagination du lecteur que ces sens émergent du récit, lequel est bref et incisif, laissant peu de place à ce genre de transfert. L’auteure nous prouve donc qu’elle a beaucoup de choses à dire, mais ce n’est pas avec ce premier roman que nous pouvons vraiment en faire le tour.