Rentrée 2011 / éditeurs québécois : Rayons d’automne
De Miron à Moutier, de Turcotte à Thúy, les éditeurs d’ici nous ont préparé toute une saison littéraire. Temps forts.
Gaston Miron: la vie d’un homme
de Pierre Nepveu
Les attentes sont énormes face à cette biographie de Gaston Miron, et on pourra à coup sûr compter sur Pierre Nepveu pour être à la hauteur. Spécialiste de poésie québécoise, Nepveu voit dans l’auteur d’Un homme rapaillé la figure du poète moderne par excellence. On nous annonce donc un ouvrage qui, en plus de tracer le parcours d’un homme, jettera un regard sur l’histoire du Québec récent, le monde de l’édition et notre institution littéraire. Éd. Boréal, en librairie.
La gestion des produits (tome 1)
de Maxime-Olivier Moutier
Malgré ses richesses et sa technologie sophistiquée, l’être humain passe sa vie dans l’anxiété et la peur. Parmi ceux qui sont au bord du suicide, certains vont chercher de l’aide du côté des "centres de crise", milieux que connaît bien Maxime-Olivier Moutier qui y oeuvre en tant que psychanalyste. La gestion des produits se présente comme un ambitieux cycle romanesque en cinq volumes dont on aura droit au premier cet automne. Éd. Marchand de feuilles, octobre.
À toi
de Kim Thúy et Pascal Janovjak
Ru, roman sur la construction identitaire d’une Vietnamienne au Québec, a captivé des milliers de lecteurs en 2009. Kim Thúy joint maintenant sa voix à celle de Pascal Janovjak pour nous offrir deux récits entrecroisés, ceux d’une femme et d’un homme liés durant un voyage avant de rentrer dans leurs villes respectives, Montréal et Ramallah. Un livre décrit comme sensuel et qui passe "par-dessus les frontières et les différences pour dire la beauté du monde et la fragilité de la vie". Éd. Libre Expression, septembre.
Guyana
d’Élise Turcotte
Neuf années se sont déjà écoulées depuis le dernier roman d’Élise Turcotte, cette formidable Maison étrangère qui a été couronnée par un prix du Gouverneur général en 2003. Reprenant un thème cher à l’auteure, Guyana se concentre sur la question de la mort tandis qu’une femme et son fils restent ébranlés par le décès inexpliqué de leur coiffeuse. S’y déploiera l’écriture minimaliste de Turcotte qui excelle à trouver de grandes vérités dans les petites choses de la vie. Éd. Leméac, septembre.
Sand Bar
de Jean-Paul Daoust
Jean-Paul Daoust clôt une trilogie amorcée en 1990 avec L’Amérique. Composé de tableaux intimistes, Sand Bar s’inspire d’un établissement situé dans le nord du Michigan où l’auteur a vécu durant sa jeunesse. On y trouvera une barmaid experte en drinks qui se propose d’instruire un garçon de 12 ans en lui faisant ingurgiter une douzaine de Manhattan au vu et au su de sa famille. "L’initiation totale quoi!" dont ne serait pas exclue une certaine tendresse pour le jeune homme en devenir. Lévesque éditeur, août.
La porte du ciel
de Dominique Fortier
Autre incursion en sol américain, le dernier roman de Dominique Fortier s’ouvre dans les champs de coton de la Louisiane, pays de marécages où grandissent deux fillettes à qui parviennent les échos de la guerre civile. Titre-vedette de la rentrée chez Alto, La porte du ciel trace le portrait d’une Amérique "qui se déchire pour mieux s’inventer". Dans ses deux premiers romans, l’écrivaine démontrait avec brio que le genre historique pouvait se pratiquer sans sacrifier au littéraire. Éd. Alto, octobre.
Nancy croit qu’on lui prépare une fête
de Simon Boulerice
Homme de théâtre et romancier (il a signé de bouleversantes Jérémiades en 2009), Simon Boulerice propose un premier recueil de poésie. Il s’agit plus exactement d’une narration versifiée relatant les déboires d’une célibataire qui "pogne des bouillons dans la douche et qui confond Lorena Bobbitt avec Loreena McKennitt". Touchant personnage que cette Nancy qui "calme son feu comme elle le peut" en changeant simultanément les piles de son détecteur de fumée et de son vibrateur tous les six mois. Du Boulerice tout craché! Éd. Poètes de brousse, octobre.
Et au pire, on se mariera
de Sophie Bienvenu
Blogueuse à succès installée au Québec depuis 2001, Sophie Bienvenu a déjà publié des chroniques sur l’immigration dans Lucie le chien. Son premier roman aura pour cadre les rues du Centre-Sud où se côtoient seringues usagées et enfances brisées. Sous l’oeil des prostituées et d’une travailleuse sociale, un amour naît entre Aïcha et Biz, vite bouleversé par un drame. Publié à La Mèche (nouvelle division de La courte échelle), ce livre nous est décrit comme se trouvant "à la croisée du romanesque, du théâtre de rue et de la déposition". Éd. La Mèche, octobre.
Cocorico
de Pan Bouyoucas
Un auteur à succès décide de ne plus pratiquer le genre policier au grand dam de sa femme, de ses amis et même de son héros qui le supplie de lui confier de nouvelles enquêtes. Inébranlable dans sa décision, il espère créer un véritable chef-d’oeuvre littéraire à partir d’une question qui le hante: "Pourquoi le coq chante-t-il chaque matin?" Écrivain d’origine grecque, Pan Bouyoucas vit et publie au Québec où il a déjà signé Anna Pourquoi (prix littéraire des Collégiens 2004). XYZ éditeur, octobre.
Roman non autorisé
d’Andrée Ferretti
Un autre livre mettra en scène le travail de l’écrivain, signé ici par Andrée Ferretti, grande dame des lettres et de la politique québécoises. Celle-ci nous propose un quatrième roman dont l’héroïne se voit confier la biographie d’une photographe ayant marqué le siècle. Mais devant le refus obstiné de son sujet de collaborer avec elle, l’écrivaine entreprendra l’histoire romancée d’une certaine Fleur Després, en dépit du refus de son éditeur… VLB éditeur, octobre.
Dans la mire /
En librairie
Le sermon aux poissons
de Patrice Lessard
(Héliotrope)
Freedom
de Jonathan Franzen
(Boréal)
Le juste milieu
d’Annabel Lyon
(Alto)
Septembre
La concession
de Marc Ory
(Triptyque)
Mon amoureux est une maison d’automne
de Mara Tremblay
(Les 400 coups)
Rose de La Tuque
de Jacques Allard
(Hurtubise)
Les pieds sur terre (le journal d’Aurélie Laflamme, tome 8)
d’India Desjardins
(Les Intouchables)
Bureau universel des copyrights
de Bertrand Laverdure
(La Peuplade)
Mathilde Brabant
d’Isabelle Doré
(Michel Brûlé)
Un billet d’avion pour l’Afrique
de Maya Angelou
(Les Alllusifs)
Un drap, une place
de Maude Smith Gagnon
(Triptyque)
Octobre
Stigmates et BBQ
de Stéphane Dompierre
(Québec Amérique)
Les écureuils sont des sans-abris
de Simon Girard
(Coups de tête)
Le romancier portatif
de Nicolas Dickner
(Alto)
Novembre
Nuits blanches et jours de gloire
d’Hélène Rioux
(XYZ éditeur)
Le cas des casiers carnassiers
de Patrick Senécal
(Alire)
Ajoutons Gravel, François. À deux pas de chez elle. Éd. Québec Amérique, 327 p.
L’auteur vient d’écrire son premier polar. Il s’en tire plutôt bien avec ce premier exercice. L’action se déroule principalement dans la ville fictive de Milton, située pas très loin de Rivière-du-Loup.
En juin 1976, Marie-Thérèse Laganière, âgée de 26 ans, disparaît. L’investigation se bute à un mystère même si l’on a retrouvé sa Renault dans la cour d’une église de Rivière-du-Loup. 33 ans plus tard, une intempérie laisse à découvert les ossements de la jeune femme « à deux pas de chez elle » ainsi que ceux de Denis Dostaler, un ami qui l’a importunée de ses assiduités. L’incident rouvre le dossier que l’on confie à Chloé Perreault, une policière fraîchement émoulue de l’Institut de police de Nicolet. Contrairement aux vieux loups, qui se sont cassé les dents sur l’enquête, parviendra-t-elle à résoudre l’énigme de ce double meurtre ?
Le roman suit à la trace la quête de Chloé, laquelle s’appuie sur le dossier monté par l’enquêteur du temps. Elle retrace tous ceux que son prédécesseur avait rencontrés. Chaque chapitre s’organise autour de ces derniers, dont les souvenirs sont encore très vivaces.
Autour de ce canevas, l’auteur brosse le véritable travail de la policière. Par la bande, il rend hommage à tout le corps policier. Il ne présente pas ses membres comme des Sherlock Holmes à qui personne ne résiste. En l’occurrence, il s’agit d’une femme affolée par ses doutes. Son enquête exige une compréhension de la scène criminelle, qui dépasse l’enseignement reçu à Nicolet. Cette confrontation théorie et pratique est fort bien exploitée, sans compter la comparaison que l’auteur établit entre les anciennes méthodes et celles d’aujourd’hui. Voire l’ordinateur et la machine à écrire, dont le ruban donnait un texte de deux couleurs : noir pour les lettres et rouge pour les accents.
Ce volet est très intéressant comme l’est aussi le profil psychologique des personnages. Leur action se nourrit d’un amont fort bien mis en valeur. Un amont qui donne aux lecteurs plein de fausses pistes. Le dénouement saura les méduser. Comme à son habitude, la plume de l’auteur est alerte, mais elle ne brille pas par son originalité.