Festival international de la littérature : Livre ouvert
Depuis 17 ans, le Festival international de la littérature nous fait entendre les livres et voir celles et ceux qui les imaginent. Survol de la programmation et entretien avec trois des têtes d’affiche de l’édition 2011: Pascale Montpetit, Claudia Larochelle et Dany Laferrière.
S’il doit bien rester, sur quelque îlot de la francophonie, deux ou trois puristes pour qui le texte littéraire est strictement affaire d’encre et de papier, la grande majorité des lecteurs ne boudent pas leur plaisir. Ils savent que la voix d’un écrivain, ou encore celle d’une comédienne ou d’un comédien qui s’empare de ses mots, représente une autre porte sur l’oeuvre, une autre manière de faire vibrer la langue. Ils le savent: pour peu que le projet soit mené avec exigence et invention, les écrits aiment circuler hors du livre.
Le Festival international de la littérature (FIL), dont la 17e édition débutera le 16 septembre, est certainement l’un des lieux où cette alchimie a connu quelques-unes de ses plus belles heures. Duras, Hébert, Miron, Godin… Combien d’oeuvres nous y ont été montrées sous un éclairage neuf?
Cette année, le travail de Dany Laferrière aura par exemple des échos dans le champ des arts visuels (son Journal d’un lecteur en dix instantanés accompagnera une exposition des photos de George S. Zimbel), dans celui de la poésie musicale (Arthur H dira entre autres ses mots dans son récital L’or noir), de même qu’à travers Je suis un pays rêvé, un spectacle qui lui est dédié, créé l’an dernier aux Correspondances d’Eastman et repris ici dans une version remaniée.
Le principal intéressé goûte particulièrement ce type de mariages: « Entendre à haute voix, avec d’autres gens, des textes qui viennent du plus profond de soi est toujours bouleversant. C’est qu’il y a chez un auteur des voix qui ne sont pas de lui. Il les a faites siennes pour écrire. Alors les entendre à voix haute, cela fait toujours un choc. »
Pascale Montpetit, qui participe à plusieurs manifestations du FIL 2011, est du projet Un pays rêvé. « Le metteur en scène Martin Faucher, dit-elle, a sélectionné tout à fait subjectivement des extraits de l’oeuvre. Une oeuvre en apparence homogène puisque Dany dit lui-même avoir écrit son « autobiographie américaine », mais elle est aussi composite et pleine de différentes textures selon les périodes évoquées: petite enfance, adolescence, âge adulte, exil, etc. Martin a pu composer « son » Laferrière à lui! »
DONNER À VOIR
Claudia Larochelle, qui fait paraître ces jours-ci des nouvelles chez Leméac, sous le titre Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, assistera au FIL à une adaptation scénique d’Amour et libertinage, un collectif qu’elle a codirigé (Les 400 coups, 2011). « C’est d’abord l’occasion de donner une seconde vie, sur scène cette fois, à cette oeuvre collective née le printemps dernier. Elsa Pépin et moi avons énormément cru à ce livre, tout comme les auteurs qui ont accepté d’y prendre part. C’est sûr – on l’espère ardemment – qu’après avoir vu ces paroles prendre vie sur les planches, les spectateurs auront envie de se procurer ce livre aussi rouge que percutant, nécessaire aussi pour les réflexions qu’il suscite. »
Tous les textes sont-ils adaptables? Pour Pascale Montpetit, le genre initial n’a pas d’importance. « Le défi, c’est de faire entendre un auteur, d’entrer dans sa tête. On n’a pas recours à un décor ou à des costumes, mais on joue avec le rythme, la voix, les silences, la tournure d’esprit… Un texte tout nu peut être tout à fait complet. Ça requiert peut-être plus de concentration de la part du public, mais cette concentration est récompensée parce qu’ils sortent d’une lecture avec leur histoire à eux dans leur tête. Aucun décor ne peut rivaliser avec ça! »
Claudia Larochelle souligne quant à elle quelques idées qui ont guidé l’adaptation d’Amour et libertinage: « Véronique Marcotte, qui signe la mise en scène, a beaucoup d’instinct et de sensibilité. Elle veut « donner à voir » en faisant ressortir les images fortes présentes dans ces histoires par le biais des voix des écrivains et par leur énergie respective, toujours en respectant leur personnalité et sans jamais transfigurer le texte. La générosité des auteurs, qui ne sont pas des acteurs (sauf l’excellente Sophie Cadieux) mais qui se prêtent au jeu avec sincérité, y est pour beaucoup. Faut les voir en répétition: entiers, allumés, prêts à beaucoup! »
17 ANS ET TOUTES SES DENTS?
Après 17 ans, le FIL a de nombreux inconditionnels. Claudia Larochelle dit ne jamais y aller sans un calepin de notes. « Pour ne pas oublier certains passages marquants… Quand Jean-Louis Trintignant est venu lire des extraits du Journal de Jules Renard il y a quatre ans, j’étais déchaînée et j’ai fini par manquer d’encre (rires). Et il n’y a pas que des habitués ou des purs et durs de la littérature qui se rendent au FIL. C’est un festival accessible qui s’adresse à ceux qui veulent succomber, ressentir, s’émouvoir. C’est un dernier shootde chaleur avant la tombée des feuilles. »
Comment expliquer ce succès indéniable? Ces salles fréquemment combles? « Les choses qui durent n’ont qu’une recette: le travail, rappelle Dany Laferrière. Mais il faut plus: une passion particulière. Celle de Michelle Corbeil. La machine est peut-être bien huilée, mais elle ne vaut rien sans le souffle de vie qu’une personne doit lui insuffler. Pour humaniser une telle machine, quelqu’un doit lui donner toute son énergie. J’aime voir, le dernier jour du FIL, le visage à la fois épuisé et ravi de Michelle. »
Si l’édition à venir a tout du grand cru, il se pourrait malheureusement que ladite Michelle ait cette fois le visage épuisé, ravi, mais aussi inquiet: le 26 juillet dernier, six semaines avant le début d’un événement planifié de longue date, les organisateurs du FIL apprenaient que ne serait pas reconduite une subvention du Fonds du Canada pour la présentation des arts du Patrimoine canadien, que le festival recevait depuis 2002 et qui s’élevait à 65 000$ par année depuis 2008 (13% du budget global). Une décision sans appel, sans motifs clairs, qui laisse le milieu littéraire québécois interloqué tant il est reconnu que le FIL, qui n’avait jamais eu de déficit avant cette année, est une référence sur tous les plans (l’an dernier, le taux d’assistance s’élevait à 84%, plusieurs activités étant présentées à guichets fermés).
Comment aider ce joyau de notre paysage culturel? En venant faire la fête des mots cette année encore, ce qui demeure la façon la plus éloquente de dire l’incongruité de cette décision du Patrimoine canadien.
LE LIVRE ANIMÉ
Depuis ses débuts en 1994, le FIL sort le livre de son carcan de papier, attirant des créateurs de tous horizons dont quelques grands noms comme Jean-Louis Trintignant ou Sami Frey. Cette année, la directrice Michelle Corbeil a convié l’acteur Serge Merlin, grand homme de théâtre français qui lira Extinctionde Thomas Bernhard, livre où l’auteur autrichien, « toujours sauvage », voit « sa philosophie baisser les armes devant la beauté ». Ce roman où l’écrivain remonte vers son passé familial et lâche prise devant les horreurs commises par l’Autriche, qu’il vilipende sans scrupule, augure un moment fort du Festival.
Un vent de révolte soufflera également sous les « mots-canons » et « mots-manifestes » hérités de la Révolution tranquille, pas si bien nommée. Olivier Kemeid dirige et anime un second Cabaret pas tranquille après une première version créée pour la Nuit blanche. Marc Béland, Evelyne de la Chenelière et Alexis Martin feront entre autres revivre l’esprit de cette époque rebelle et frondeuse. Les textes de Gauvreau, Ducharme, Miron, Desrochers et la réplique de nos contemporains raviveront la fureur de vivre de l’époque de l’Expo, de la crise d’Octobre et de la fleur de lys militante.
Un mois avant la sortie de son 8e album, Arthur H rendra aussi une visite particulière au FIL dans une lecture musicale qui salue la poésie noire. La voix tellurique du chanteur français, jointe à l’accompagnement musical de son loyal complice Nicolas Repac, croisera les mondes d’Édouard Glissant, Aimé Césaire et Dany Laferrière pour célébrer L’or noir, ces « nomadicités musicales » teintées des Antilles qu’il a connues dans sa jeunesse.
Après Petits fantômes mélancoliques, Louise Bombardier propose pour sa part le « bestiaire d’une faune humaine et foraine, composée d’enfants malades, d’êtres difformes, albinos, artistes de cabaret et autres ». Conçu autour des photographies de la Canadienne Marianna Gartner, ce drôle de diaporama d’histoires étranges promet d’être déstabilisant. Violette Chauveau partagera la scène avec l’écrivaine.
Fidèle à ses bonnes habitudes, le Festival annonce aussi le retour de quelques incontournables dont le fameux Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent, créé par Loui Mauffette en 2006. La poésie y est célébrée dans sa sensualité par une communauté d’interprètes auxquels se joignent cette année Xavier Dolan, Sébastien Ricard et Anne Dorval. Branché sur la parole vivante, le FIL accueille aussi pour la cinquième année le Grand Slam 2011 avec, s’il vous plaît, la venue de Marc Smith qui a lancé les premiers slams à Chicago il y a plus de 20 ans. Des slameurs de toute la province éliront le grand slameur de l’année qui représentera le Québec à la Coupe de slam de Paris, au printemps 2012.
Bien d’autres événements prometteurs méritent une visite de la programmation: www.festival-fil.qc.ca.
(Elsa Pépin)
partout pour le festival int de littérature on entre pas de billet qd c’est gratuit, et à la biblio il faut gaspiller du papier en imprimant un billet, il faut avoir une imprimante etc etc, c’est quoi le sens de cela