Naomi Fontaine : Kuessipan
Dominic Tardif
Pour peu que vous ayez vu les images de désolation du Peuple invisible, vous ne tomberez pas des nues quand Naomi Fontaine, Innue de Uashat, vous placera face à l’âpreté du quotidien des réserves amérindiennes. Le regard que la jeune écrivaine pose sur cette dure réalité tient à la fois de l’appel d’air et du vortex éprouvant. Une phrase, ici, et tout est dit: "La grosse femme, la peau brûlée par le soleil, continuellement assise sur son balcon, sa maison a été jugée insalubre." En se gardant de donner un nom aux spectres qui traînent leurs savates dans son livre, Fontaine signe un roman spolié de ses personnages. Ne reste que des silhouettes quasi éteintes, des ombres d’existences trop prévisibles. Éd. Mémoire d’encrier, 2011, 111 p.
J’ai eu la chance en mai dernier d’être accueillie avec un groupe de femmes sur la réserve Innu de Mani-Utenam. Pour combler les 11 heures de voiture jusque là, nous avons lu à voix haute des bouts de ce livre nous permettant ainsi de nous mettre dans l’ambiance de ce qui nous attendait. Nos 4 jours passé là-bas nous ont réellement trempé dans les descriptions, les émotions et sensations retrouvées dans le livre. Nous avons même rencontré un homme par hasard et seulement qu’à l’entendre, sans plus, nous savions qu’il était un de ses personnages tellement la description était fidèle. Pour ceux qui n’aurons pas la chance comme nous de côtoyer leur réalité au quotidien, ce livre est une fenêtre sensible sur un monde méconnu de la plupart d’entre nous.