Mara Tremblay : Les chemins les moins fréquentés
Mara Tremblay signe un premier roman, consacré au parcours d’une femme reprenant goût à la vie après un épisode dépressif.
La littérature et les diagnostics médicaux ne font pas toujours bon ménage: la véritable poésie préfère capter l’essence du mal-être que d’y apposer une étiquette qui risque de réduire la quête d’un personnage à sa dimension anecdotique. Mara Tremblay remporte pourtant le pari de nommer dès le départ le mal précis dont est atteinte son héroïne et narratrice, une « bipolaire à cycle ultra-rapide » dotée d’un « TOC » (trouble obsessionnel compulsif), pour s’intéresser essentiellement par la suite au lent processus de sa guérison.
Processus difficile, certes, mais décrit dans toute sa beauté et porté par des mots où se dévoile l’univers intime de l’auteure et compositrice. Il s’agira ici de capter la vie avec intensité et dans ses manifestations les plus simples (mais qu’on oublie trop facilement): caresse du vent sur le visage, odeur des feuilles mortes qu’on remue, son que fait la neige sous le pas des raquettes… La pulsion de vie l’emportant sur le désespoir, les petits rituels du quotidien prennent tout leur sens dans une existence ramenée à l’essentiel.
Artiste peintre âgée de 41 ans, Florence vient de perdre sa mère qu’un cancer a rapidement emportée, cause première de sa dépression. Les progrès de son deuil, dont on suit les étapes tout au long du récit, la mèneront à l’acceptation de sa propre mort (comme cela arrive souvent en pareil cas), une mort devenue « amie » et « jumelle de [sa] conscience« . Les choses ne sont jamais simples, par ailleurs, pour celle dont le tempérament d’artiste lui a toujours fait emprunter les chemins les moins fréquentés et qui cultive à la fois trois relations amoureuses avec des hommes qui, comme elle, sont des anticonformistes. Sous la plume de Mara Tremblay, la bipolarité n’est donc jamais envisagée comme une faiblesse, mais plutôt comme l’accompagnatrice obligée d’une existence menée sous le signe de l’intensité.
Livre aux dimensions autobiographiques qu’on dit créé dans un sentiment d’urgence, Mon amoureux est une maison d’automne épouse une structure de va-et-vient temporel tandis que la narratrice se souvient – à rebours – de l’agonie de sa mère et de ses deux accouchements. Les chapitres plus narratifs y alternent avec d’autres composés sous forme de fragments poétiques et témoignant souvent d’un nouveau bien-être. D’un moment privilégié qu’elle passe seule avec l’un de ses fils, Florence écrira ainsi: « C’est une trêve. / Une respiration hors de l’eau du trouble de ma tête. / Une pause de la folie. / Un goût de bonheur qui me revient. / Une envie de vivre. / Enfin. »
Mon amoureux est une maison d’automne
de Mara Tremblay
Éd. Les 400 coups, 2011, 226 p.