Véronique Fortin : Post-partum baby-boom
Près d’un an jour pour jour après la sortie de son premier livre, Véronique Fortin récidive avec Journal (de plus en plus) irrévérencieux d’une mère (presque) normale.
Par un beau matin, Véronique Fortin a envoyé candidement un simple courriel dans lequel elle invitait Les Éditions de la Bagnole à jeter un coup d’oeil à son blogue. Deux heures ont suffi pour qu’elle se retrouve précipitée dans le monde de l’édition. Exit, donc, les histoires classiques du manuscrit envoyé désespérément un peu partout par dizaines d’exemplaires.
Cette bousculade couplée à un passé littéraire inexistant chez Fortin a donné lieu à des débuts plutôt déroutants. "L’an passé, après avoir fait paraître mon premier livre, j’ai dû participer à une table ronde à l’occasion du Salon du livre où je n’ai pas du tout performé. C’était animé par Stanley Péan, et déjà en partant, pour moi, ça ne marchait pas. Ça avait commencé par un tour de table et la question était: "Quel genre de nouvelles lisez-vous?" J’ai répondu du tac au tac: "Je ne lis pas de nouvelles, je trouve ça plate." C’est pas bon. J’ai pas de censeur. J’ai un problème de sérotonine. Si je te dis: "Si tu continues, je vais te frapper", je vais te frapper."
Beaucoup de chemin a été parcouru depuis ce baptême médiatique. C’est aussi pourquoi ses éditeurs lui ont donné le feu vert quant au choix des extraits qui constituent son deuxième bouquin, Journal (de plus en plus) irrévérencieux d’une mère (presque) normale. Plus qu’un simple partage de billets parus sur le Web, la transition de ceux-ci vers le livre implique un réel exercice d’adaptation. "Quand je relis ce que j’ai écrit l’année passée, je réalise que je ne peux pas laisser ça de même. En plus, le travail que je fais, c’est un peu vicieux. Je fais ça chez nous, dans le fond du bois, je suis en pyjama, j’ai les enfants qui courent dans la maison et j’écris. Comme mon site n’est pas un vrai blogue et qu’il n’y a pas d’échanges directs, à part quelques courriels que je reçois de temps en temps, je fais ça au jour le jour et j’ai l’impression d’envoyer ça dans l’univers. C’est une bonne chose, car ça me permet de ne pas me censurer. Je ne suis pas consciente des répercussions."
D’ailleurs, Fortin avoue humblement que le souci d’authenticité a toujours été le moteur de cet effort de sélection auquel elle s’est livrée. "Quand tu arrives d’un voyage, tu ne fais que montrer les belles photos. Si tu es allé à la plage, tu ne montreras pas les photos de ton kid qui pleure au bord de l’eau parce qu’il a perdu sa pelle. Mais moi, j’ai décidé de toutes les montrer. C’est pour ça qu’il y a des passages où c’est plus creux."
Fortin est tout à fait consciente des conséquences de ce choix éditorial. Son premier ouvrage lui en a déjà donné un avant-goût. "Il y a des gens qui ont été choqués par le côté intime que je dévoilais à propos de mes enfants. Mais je vois ça autrement, c’est plus un héritage. Si un jour une de mes filles m’en veut, c’est qu’elle n’aura rien compris. C’est parce que je les aime que j’ai décidé de faire ça. En fait, c’est la plus grosse photo de famille que je puisse leur offrir."
Parmi ces photos, Fortin ose même traiter du sujet délicat de la dépression post-partum dont elle a souffert. "Avant d’avoir mon premier enfant, je me disais que le post-partum, c’était un gros mythe et que les filles qui en souffraient, c’étaient celles qui étaient plus à bout que les autres et qui abandonnaient, mais non. C’est pas vrai. Ça te pogne par en arrière et c’est pas long. Les gens venaient me voir et me disaient d’en profiter, car c’était le plus beau bout, et j’avais seulement envie de leur dire: "Va chier. Je ne me lave plus, la maison pue, il n’y a que des fonds de bouteilles sales partout… Imagines-tu la marde qui s’en vient?""
En fait, le plus beau bout, c’est quand toutes ces aventures atterrissent entre nos mains et que nous avons le bonheur de le lire.
Journal (de plus en plus) irrévérencieux d’une mère (presque) normale
de Véronique Fortin
Les Éditions de la Bagnole, 2011, 184 p.
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