Michel Cormier : Un siècle chinois
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Michel Cormier : Un siècle chinois

Michel Cormier s’intéresse aux débats sur la démocratie qui, contre vents et marées, ont marqué l’histoire de la Chine contemporaine.

Des premiers rassemblements tenus sur la place Tiananmen en 1919 aux publications des cyberdissidents qui ont terni l’image des Olympiques de 2008, la Chine post-impériale fut régulièrement le théâtre de combats menés pour la démocratisation: Mouvement des cent fleurs à la fin des années 1950, Mur de la démocratie en 1978, manifestations étudiantes qui, en juin 1989, dégénérèrent en bain de sang sur cette même place Tiananmen, devenue le symbole d’un État autoritaire qui préfère sacrifier sa jeunesse que de réformer ses institutions.

À ceux qui prétendent que les Chinois sont trop nombreux, leur développement trop fragile ou leur culture d’obéissance trop ancrée pour entrer en démocratie, le journaliste Michel Cormier répond en retraçant la lutte menée par ses figures les plus emblématiques. Dans ce grand reportage écrit, chaque chapitre relate un moment-clé de l’histoire à travers l’incarnation de défenseurs ou d’opposants qui, au fil du temps, ont su "pétrir, étirer, modifier, déformer la notion de démocratie pour l’adapter au discours et au projet communiste".

En plus de Pékin où il est correspondant pour Radio-Canada, le journaliste a mené son enquête à New York et à Londres sur les traces de célèbres exilés vivant sous haute surveillance: Wei Jingsheng (ancien garde rouge devenu militant lors du mouvement du Mur de la démocratie), Wang Juntao (conseiller des étudiants du mouvement de Tiananmen), Wang Dan (leader du même mouvement)… À travers leurs témoignages et ceux de plusieurs autres, Cormier tente de comprendre cette Chine qui a réussi le virage économique le plus spectaculaire du siècle tout en maintenant le cap sur l’autoritarisme politique.

Dans Les héritiers de Tiananmen, l’auteur répond également à ceux qui, en Occident, croient que l’instauration d’une économie de marché devrait tout naturellement mener la Chine à la démocratie. C’est qu’après le massacre de 1989, totalement effacé des livres d’histoire et de la mémoire collective, jamais le discours sur la démocratie n’a été si peu présent en Chine. Ayant durci son leadership et de moins en moins en position de se faire donner la leçon par l’Occident, le gouvernement chinois pousse le cynisme jusqu’à utiliser ses nombreux prisonniers politiques comme "monnaie d’échange" durant la visite de dignitaires étrangers qui persistent à aborder la question des droits humains.

Alors qu’aucun foyer d’opposition organisé ne menace actuellement le gouvernement, ils sont nombreux à ne plus croire à une "révolution à la française", rêvant plutôt d’une "transition à la britannique" où une société civile, des institutions et un État de droit viendraient préparer le terrain pour une éventuelle démocratie avec de véritables élections. C’est ce que pense Han Dongfeng dont le parcours clôt le livre de Michel Cormier. Leader ouvrier, Han croit que le débat doit se déplacer de la démocratie aux "droits citoyens" et de la rue à la cour de justice (où des employés peuvent maintenant faire reconnaître leurs droits en poursuivant les entreprises qui les ont floués). "Résoudre les problèmes sociaux à travers le système légal", là réside peut-être une étincelle d’espoir pour le peuple chinois.

Les héritiers de Tiananmen
de Michel Cormier
Éd. Leméac, coll. "Présent", 2011, 236 p.

Les héritiers de Tiananmen
Les héritiers de Tiananmen
Michel Cormier
Leméac