Bertrand Laverdure : La vie est un trou
Bureau universel des copyrights de Bertrand Laverdure nous aspire dans un gouffre burlesque. Entretien avec l’auteur.
"Imagine la série Le prisonnier qui rencontre Philémon en passant par Vertigo de Hitchcock!" C’est ainsi que Bertrand Laverdure décrit, amusé, son Bureau universel des copyrights. "C’est un roman package deal, poursuit-il, un peu comme les sacs à billes. On peut l’interpréter de différentes façons selon la bille qu’on va piger. Il y a du tourisme, de la littérature, des emprunts à la bédé ou au cinéma. Il y a même quelque chose d’heavy metal dans ce livre-là."
De son propre aveu, le récit de Laverdure ne comporte aucune logique. Mais il se défend d’avoir nappé celui-ci d’onirisme. "Il n’a rien à voir avec le rêve ou le surréalisme. Ce sont des rencontres avec des robots, des personnes téléguidées comme dans un jeu vidéo. C’est une façon de représenter la nouvelle figuration des êtes humains. Ce sont des décors dans lesquels on évolue et ceux-ci constituent le théâtre de la vie."
Dans Bureau universel des copyrights, on suit l’odyssée d’un narrateur transporté brusquement, et ce, malgré lui, d’un endroit à l’autre. Ainsi, il se retrouvera confronté à un angoissant questionnement: dans quelle mesure nous appartenons-nous? "On est toujours en train de tomber, mais on ne s’en rend pas compte. On tombe de façon circulaire comme dans une espèce de spirale ou un vortex. On est dans un vertigo continuel. On est une vis sans fin qui traverse une planche de bois et, arrivé au bout de celle-ci, ça fait un "tak" et on se perd. Ce sont des constatations hyper nihilistes, mais dans un contexte humaniste où on ne peut pas vivre sans les autres. Heureusement, le plaisir de la représentation, de l’imaginaire et de la poésie sont là pour nous y accompagner."
Usant de jeux narratifs peu communs et de mises en abyme telles que la littérature à l’intérieur de la littérature, le roman dresse un portait doux-amer de la place du livre au sein de la culture. "On intervient de plus en plus dans les oeuvres des artistes et ceux-ci sont de moins en moins des entités solides. Éventuellement, on va pouvoir faire du tourisme dans les univers littéraires. Par exemple, si on ne veut pas se taper toute l’oeuvre de Proust, on va payer mille piastres pour visiter tous les best of d’À la recherche du temps perdu et pouvoir parler avec les personnages."
Si un tel forfait pour Bureau universel des copyrights existait, on choisirait sans aucun doute la visite complète.
Bureau universel des copyrights
de Bertrand Laverdure
Éd. La Peuplade, 2011, 142 p.
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Kurt Vonnegut Jr., David Lynch