Patrice Desbiens : Vrai comme chu là
Patrice Desbiens lançait récemment un nouveau recueil, Pour de vrai. Chronique d’une entrevue avortée avec une légende vivante de la poésie.
DEUX JOURS AVANT LE LANCEMENT, AU TÉLÉPHONE
Le journaliste: "Êtes-vous disponible pour une entrevue après-demain, avant votre lancement?"
Patrice Desbiens: "Ah non, pas avant le lancement, je vais être ben trop nerveux. On fera ça pendant ou après, O.K.?"
Le journaliste: "O.K."
LE LANCEMENT
Librairie Port de tête, avenue du Mont-Royal Est, Montréal, 17 heures. Patrice Desbiens est assis seul à la table où il signera dans moins d’une demi-heure des exemplaires de Pour de vrai, son nouveau recueil dédié aux "vrais" qu’étaient Pierre Falardeau, Alys Robi, Michel Chartrand ou Paul-Marie Lapointe (la liste compte en tout 12 incorruptibles ayant récemment passé l’arme à gauche).
Le journaliste s’approche du poète, se présente, lui demande si leur rendez-vous tient toujours. "Ouin, O.K., on peut essayer. Qu’est-ce que tu veux savoir?" "Dites-moi donc ce que les gens à qui vous dédiez votre livre avaient de vrai?" Moue dédaigneuse. "Quoi, tu les connais pas?" "Ben oui je les connais, mais j’aimerais savoir en quoi vous, vous les trouvez vrais." Le poète se lève. "Ah pis ça me tente pas de faire d’entrevue! Tout est dans le livre. T’as juste à le lire", abrège-t-il sans appel sur un ton dissimulant mal, paradoxalement, une certaine vulnérabilité. On se croirait dans un poème de Patrice Desbiens.
LES INVITÉS DU LANCEMENT
Il faudra donc se rabattre sur les fidèles lecteurs du chantre désenchanté du nord de l’Ontario, qui s’empressent tous de faire son panégyrique. À commencer par Robin Aubert, que l’on rejoint dans la cour arrière de la librairie. Le cinéaste lance au même moment un premier recueil de poésie, Entre la ville et l’écorce, dont l’âpre onirisme doit beaucoup à l’oeuvre de Desbiens. "En sortant de l’école [de théâtre], se souvient-il, j’ai joué une pièce de Jean Marc Dalpé [Eddy] et je suis monté en char à Sudbury pour voir de quoi avait l’air la ville natale de mon personnage. Là-bas, on m’a parlé de Desbiens. André Forcier m’en a aussi beaucoup parlé. C’est notre plus grand poète. Aujourd’hui, ce n’est pas rare que ma blonde et moi on se lise du Desbiens au lit."
Pour l’auteur-compositeur-interprète Thomas Hellman, Patrice Desbiens, natif de Timmins, aura su mieux que quiconque ausculter la schizophrénie linguistique propre aux francophones hors Québec. "Les gens le figent en le comparant à Bukowski. Moi, c’est sa langue qui me frappe, son travail sur le bilinguisme – il repousse les limites du langage de ce point de vue-là. Il y a aussi un humour chez lui qui, comme chez Beckett, adoucit des thèmes très durs."
On accroche Mathieu Arsenault, écrivain et observateur averti de la marge littéraire, pour lui demander s’il sent l’influence de Desbiens sur la jeune poésie québécoise. "Oui, c’est assez clair, mais personne n’atteint sa simplicité, son dépouillement. Tu vois, il a écrit un super beau poème qui se passe dans un parking de dépanneur. Qui d’autre aurait pensé à écrire un poème sur un parking de dépanneur? Il enrichit chez chacun de ses lecteurs l’expérience de la vie quotidienne en faisant apparaître de la beauté là où on ne l’attend pas."
FIN DU LANCEMENT
Retour à l’intérieur. Les éclats de rire provenant de la cour arrière entrent en cascade dans la librairie, déserte. Patrice Desbiens est toujours assis à sa table, seul. Le journaliste s’approche afin de faire dédicacer son exemplaire. "Excuse-moi pour tantôt. Tu sais, on peut se reprendre. Au téléphone peut-être?" lui propose le poète. Le journaliste sourit, lui serre la main et quitte, sous la pluie, en se promettant de conclure son papier par un poème de Pour de vrai.
En réponse à votre question. "Le bord de l’eau est plein / de bordereaux de dépôts et / de retraits. // Les jours se succèdent avec / plus ou moins de succès et / se suicident / ne laissant / ni signature / ni sang. // Juste comme on pense avoir / réponse à tout / on oublie la / question."
Pour de vrai
de Patrice Desbiens
L’Oie de cravan éd., 2011, 54 p.
Entre la ville et l’écorce
de Robin Aubert
L’Oie de cravan éd., 2011, 112 p.
Un certain Robert Dixon serait très heureux – ou devrais-je dire est très heureux de voir que sa plume et son cerveau sont tjrs cohérents ou devrais-je dire aussi cohérents que tjrs.
D’un läche à l’autre: Lâches pas Patrick.
Hey Patrice,
je ne sais pas si tu lis ces blogs, mais au cas où, allô de Sudbury. Tu te rappelles tu de moi? J’étais amie de Pierre L. et Chantale, et je te voyais de temps en temps au Cortina en ville. En tout cas, j’aime beaucoup lire ta poésie Patrice. Je pense que j’ai touttes tes livres. Et mes filles les lisent aussi, pas pire, hein? On en a même donné à des amis poètes du Mexique qui lisent le français et même s’ils ont de la misère à comprendre (la plupart ont appris le français en france), ils trouvent ça vraiment intéressant, comme un miroir sur une culture qu’ils ne savaient même pas qui existe…en tout cas, j’espère que tu prend bien soin de toi.
De Sudbury,
Monique