Maxime Olivier Moutier : La gestion des produits, tome 1: La crise
Ça commence par une description minutieuse, clinique même, du quotidien d’un centre de crise. Les corridors, les chambres, la salle commune, on s’y croirait tant le dessin est net. Prendront vie sous nos yeux toute une galerie de patients, et si on nous dit bien au départ que "tous les personnages présentés sont fictifs", ils n’en sont pas moins clairement inspirés de profils réels. Maxime Olivier Moutier, psychanalyste et lui-même intervenant en centre de crise, fera aussi le portrait de ses collègues, ceux qui oeuvrent sur la ligne de front de la détresse humaine. Jusque-là, la langue montre plus qu’elle n’interprète, laissant tout de même échapper quelques phrases à longue portée: "L’important, c’est d’avoir un temps et un espace pour se construire une fiction autour de ce qui pour soi a fait rupture." Puis les questionnements prennent de plus en plus d’importance, guidant le lecteur vers une réflexion large, qui embrasse la société entière, son désarroi que maquillent mal nos illusions de confort. Plusieurs fois convoqués, Freud et Lacan nourrissent le regard de l’auteur. Lacan entre autres, qui a voulu montrer les corrélations entre les stratégies de soutien psychologique et le déclenchement même des situations de crise. "Autrefois aussi, écrit Moutier, il nous fallait vivre des crises, mais il est clair que nous les vivions autrement. Et peut-être mieux. Et nous n’avions pourtant pas cette collection de béquilles." L’auteur de Marie-Hélène au mois de mars et Pour une éthique urbaine s’engage dans son plus ambitieux projet littéraire à ce jour, essai hyperréaliste dont on annonce déjà qu’il comptera cinq tomes. La mise en bouche nous reste en travers de la gorge, c’était voulu. Attendons la suite, en espérant y trouver des bouts de réponses et un peu de lumière. Éd. Marchand de feuilles, 2011, 240 p.