Miriam Toews : Irma la douce
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Miriam Toews : Irma la douce

Miriam Toews arrache petit à petit Irma Voth des griffes du mennonitisme.

Capsule onomastique, avec Miriam Toews: "J’ai choisi Voth, parce que c’est un nom mennonite typique. Irma, c’est tout simplement un prénom que j’aime. C’est puissant, beau et laid à la fois."

L’écrivaine manitobaine de descendance mennonite (un mouvement religieux protestant assis sur une interprétation rigoriste de la Bible) l’aurait souhaité qu’elle n’aurait pu mieux résumer son plus récent livre, justement intitulé Irma Voth, roman d’apprentissage jetant un linceul d’humour furtif et joueur sur une douleur vive. "Cette proximité entre le tragique et le comique reflète ma vision du monde, un lieu aussi amusant que triste. Combiner les deux tons permet, selon moi, d’arriver à la plus juste représentation possible de l’existence", pense celle qui avait charmé en 2005 grâce à Drôle de tendresse (Prix du Gouverneur général).

"Malgré ce qu’on peut croire, il y avait aussi beaucoup d’humour dans ma propre famille, ajoute-t-elle. Il s’en trouve, comme moi, pour reconnaître aux mennonites un humour particulier, un humour subversif. Lorsque tu vis dans une communauté religieuse traditionaliste, tu as besoin de te moquer du pouvoir qui mène ta destinée."

Dans un désert du nord du Mexique, Irma Voth, mennonite indocile, est abandonnée par son mari, laissée à elle-même et à ses dérives douces que flattera bientôt une équipe de cinéma débarquée au village. Malgré l’opprobre qui lui pend au bout du nez, la femme-enfant de 19 ans acceptera de devenir l’interprète du réalisateur et d’embrasser, pudiquement, le siècle. Une vraie vlimeuse, la Irma, elle qui fera passer par le filtre de sa sensibilité bien intentionnée tout ce qu’on lui demandera de traduire. "J’adore adopter le point de vue d’une adolescente, note Toews, simplement parce que l’esprit d’une adolescente est riche. Les adolescents sont entre deux mondes, et c’est comme ça que je me sens souvent moi-même. Irma se pose toutes sortes de questions existentielles. Comment vivre? Qui vais-je devenir? Quelle est ma place? Ce sont les questions qui m’obsèdent en tant qu’écrivaine."

Miriam Toews avait déclaré ne plus vouloir écrire sur ou autour de la vie des mennonites (elle a déjà consacré deux livres au sujet). Son expérience d’actrice sur le plateau de Silent Light (une histoire d’amour impossible à la sauce mennonite) du Mexicain Carlos Reygadas allait cependant la forcer à se dédire. Trop inspirant.

Il serait toutefois réducteur de parler ici d’un document décrivant par le menu le quotidien des mennonites. "J’utilise la religion comme une vaste métaphore. Irma est prise entre la vision de son père, qui croit que l’art est un mensonge, et celle du réalisateur, qui place la création au-dessus de tout. Comme elle ne se reconnaît dans aucune de ces propositions, elle est contrainte à se forger son propre monde, sa propre histoire, à l’aide de sa propre imagination."

Une ode au pouvoir rédempteur de l’art que ce roman? "Je ne sais pas si Irma et sa soeur trouvent une rédemption. Je pense plutôt qu’elles trouvent un confort. L’art leur permet de voir le monde différemment. Ce qui n’est pas peu dire dans leur cas."

Irma Voth
de Miriam Toews
Trad. par Lori Saint-Martin et Paul Gagné
Éd. du Boréal, 2011, 296 p.

Irma Voth
Irma Voth
Miriam Toews
Du Boréal