Jocelyne Saucier : La forêt des mal-aimés
Elle avait l’habitude des succès d’estime. La semaine prochaine, son nom sera sur toutes les lèvres dans les allées du Salon du livre. Jocelyne Saucier revient avec nous sur une folle année.
Ses trois premiers romans n’étaient pas passés inaperçus, loin s’en faut (La vie comme une image avait été finaliste aux Prix du Gouverneur général, tout comme Jeanne sur les routes). Mais c’est avec son quatrième titre que Jocelyne Saucier aura fait mouche. Paru au début de l’année, Il pleuvait des oiseaux n’en finit plus d’éblouir lecteurs, critiques et jurys – toujours en lice pour le Grand Prix du livre de Montréal, il méritait il y a peu à son auteure le Prix des cinq continents, prestigieuse récompense dont le jury comptait cette année le Nobel de littérature Jean-Marie Le Clézio.
L’eau a coulé sous les ponts depuis le jour où, bien incertaine, Jocelyne Saucier déposait son manuscrit chez XYZ, son éditeur. "Je me disais que cette fiction, qui met en scène des vieillards marginaux, était tout sauf dans l’air du temps! Je savais bien que le roman ne se limitait pas à cela, que j’y parlais, dans une perspective plus large, de liberté, mais je craignais de toucher assez peu de gens."
C’était faire trop peu confiance à l’extraordinaire sens du récit qui happe le lecteur d’Il pleuvait des oiseaux, lequel se laissera conduire sans peine des grands feux de forêt du nord de l’Ontario, au début du 20e siècle, jusqu’à l’époque contemporaine, auprès d’une micro-communauté à la lisière de la société. Une réflexion jamais banale sur la disparition, la dignité, le non-compromis. "Ce sont des personnages du Nord, observe la romancière. Ils sont capables de tourner le dos au monde."
STYLE LIBRE
Pour Jocelyne Saucier, le non-compromis se vit d’abord dans le geste d’écrire. "J’ai parfois l’impression que mes projets de romans sont mes seuls véritables espaces de liberté. Nous en parlons beaucoup de la liberté, nous la réclamons, mais le quotidien décide souvent à notre place, il me semble. D’où la jouissance que j’éprouve dans mon travail, j’imagine. Je fais d’ailleurs partie de ces écrivains qui préfèrent écrire qu’avoir écrit!"
Sans donner beaucoup de précisions, elle entend réinvestir le Nord ontarien dans son prochain roman. "Je ne peux pas dire grand-chose parce que je le construis à mesure, ce livre. Comme tous les autres d’ailleurs. Je n’ai pas de plan, je pars d’un petit élément, puis je vais à la rencontre de l’histoire."
Vers quoi cette conteuse-née ira-t-elle fouiner durant le Salon du livre? "Je préfère lire des auteurs qui sont loin de moi. Récemment par exemple, j’ai lu Sous béton, de Karoline Georges, un roman qui depuis m’habite. Moins pour le récit comme tel que pour la part d’imaginaire, pour cette façon qu’a l’auteure de rendre l’abstrait concret. En fait, je lis des écrivains dont je suis jalouse, parce qu’ils font des choses que je ne saurais pas faire!"
Il pleuvait des oiseaux
de Jocelyne Saucier
XYZ éditeur, 2011, 184 p.