Pascal Blanchet : Une voix dans la nuit
L’illustrateur trifluvien Pascal Blanchet s’intéresse au pouvoir de la radio dans Nocturne, publié aux Éditions de la Pastèque.
Pascal Blanchet devait sortir Nocturne à l’automne 2009, soit deux ans seulement après Bologne, son troisième roman graphique couronné de deux prix Lux en 2007. Or, le destin, ou plutôt l’informatique, lui a joué un vilain tour. "J’ai perdu les 100 premières pages, soit la moitié de mon manuscrit. Et je n’ai jamais été capable de les récupérer. Ça a pris huit bons mois avant que je trouve le courage de recommencer", explique-t-il sans la moindre amertume.
Impossible d’écrire deux fois le même livre. À la suite de la mésaventure technologique qui, en fin de compte, aura été bénéfique, le récit de Nocturne a pris une nouvelle tournure. "Je pense que la fin est moins négative que celle qui était prévue au départ."
L’illustrateur trifluvien note cependant que l’idée initiale, elle, n’a jamais bougé d’un poil: quatre personnages liés par la radio – une serveuse, une chanteuse de jazz et un couple d’artistes – qui, une nuit, décident de changer quelque chose dans leur vie, pour le meilleur ou pour le pire. "La radio, c’est quelque chose qui m’a toujours fasciné. Quand j’étais ado, Radio-Canada avait des émissions nocturnes absolument fantastiques. La nuit, le ton change. Il est beaucoup plus personnel, plus direct. On ne parle pas aux auditeurs de la même façon. Le jour, on s’adresse à la population, alors que la nuit, on s’adresse à un individu. Je pense que c’est surtout ce feeling qui m’a amené à travailler ce livre de cette façon-là, c’est-à-dire à choisir quatre personnes qui écoutaient la radio pour voir comment cette dernière pouvait s’inscrire dans leurs actions, dans leur vie."
SEULS ENSEMBLE
Au fil des pages, une constante: la solitude. "Ça traite pas mal de l’isolement et du lien par rapport à la ville, soit le fait d’habiter dans une ville avec autant de monde et d’être à ce point tout seul, affirme l’artiste. Le seul interlocuteur que les personnages ont, c’est la radio. Et par "interlocuteur", il faut s’entendre: la radio monologue et les personnages écoutent. Je désirais faire en sorte qu’aucun d’entre eux ne parle, que le seul texte émis soit la radio, l’intercom de l’autobus ou le téléphone. Je voulais qu’ils soient muets pour rendre ça encore plus étouffant."
En raison de la précision de ses dessins, Blanchet ne peut cacher qu’il a déjà mis les pieds à New York. Mais il se défend bien de ne rien croquer sur le vif. "Je ne suis pas quelqu’un qui se promène avec un cahier de croquis. Je travaille vraiment de mémoire. Mais pour certains trucs que je voulais plus détaillés, j’ai fait énormément de recherches: le hall du studio de la NBC, par exemple."
Comme toujours, une discographie clôt le bouquin de Blanchet qui, cette fois, a été fortement inspiré par la pièce Still of the Night de Cole Porter. Est-ce que ce sont les musiques qui ont joué en boucle pendant la création? "Ce ne sont pas les disques que j’écoute pendant, mais les disques qui ont créé l’histoire. Ça m’aide beaucoup à donner la couleur, le ton à l’illustration." Et chaque protagoniste a sa chanson. "Ça, c’est la base du livre. Sans ça, il n’y a pas de livre!"
Nocturne
de Pascal Blanchet
Éd. de la Pastèque, 2011, 208 p.