Ryad Assani-Razaki : Arriver à partir
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Ryad Assani-Razaki : Arriver à partir

La main d’Iman est l’un des meilleurs romans parus cet automne. C’est un coup de poing, un cri, une fable poignante que signe Ryad Assani-Razaki.

Dans une grande ville de l’Afrique noire, le petit Toumani est vendu par son père pour devenir l’esclave d’un homme cruel qui le laisse pour mort dans un égout. Il est recueilli par Iman, un jeune métis rejeté par sa mère. Les deux amis vivotent, d’amitié en magouilles, mais Iman n’a qu’une idée en tête: partir.

C’est le coeur du roman, ce rêve de partir, c’est lui qui fait vivre et mourir; soit on l’embrasse, soit on se définit pour toujours à contre-courant, à contre-rêve. Pour Iman, il n’y a rien d’autre; il ne veut pas finir comme sa mère qui se prostitue, comme sa grand-mère enfermée dans un mutisme d’icône à la suite de son pèlerinage à La Mecque, comme Toumani qui vit dans une décharge. "C’est un roman dur, mais les faits sont encore plus durs. Quand on quitte illégalement un pays, on abandonne tout ce qu’on est. C’est une sorte de suicide. La personne qu’on était va disparaître", explique le jeune auteur d’origine béninoise maintenant installé à Montréal. Le roman nous plonge dans ce cruel dilemme: rester nous fait mourir, partir nous tue.

Au-delà du concours de cruauté, le roman a ceci de magnifique qu’il nous loge au plus près des personnages, au creux de leur âme. Les femmes particulièrement sont bouleversantes. C’est par elles et par Toumani que se dévide l’histoire car Iman ne prend jamais la parole. Comme un miroir, "Iman représente le désir et l’espoir de chacun, tout le monde se projette en lui". Iman est un personnage à forte teneur symbolique: métis, il est l’enfant du colonialisme. Son existence est une double prison: les traditions déshumanisantes de son pays bafouent la liberté et les promesses des Blancs, jamais tenues, assassinent la dignité.

Reste une petite part d’espoir dans La main d’Iman. "Son rêve est si fort qu’il unit tout le monde autour de son objectif de partir. Mais comme pour tous les émigrants, arriver à partir ne signifie pas qu’on va arriver à arriver." Certes, une toute petite part. Mais un grand roman.

La main d’Iman
de Ryad Assani-Razaki
Éd. de l’Hexagone, 2011, 325 p.

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L’alphabétisation selon Ryad Assani-Razaki

"La langue est déterminante pour la culture, on y trouve beaucoup de traces de qui on est. Pour un immigrant, c’est une façon d’entrer dans le pays et d’apprendre la manière de penser des gens autour de lui. L’alphabétisation, c’est d’autant plus important pour un immigré car il a besoin d’une arme pour se débrouiller, pour s’en sortir."

La main d'Iman
La main d’Iman
Ryad Assani-Razaki
L’Hexagone