Michel Schneider : Comme une ombre
«Quoi de plus proche qu’un frère? On a subi les mêmes parents. Quoi de plus lointain? On a vécu la même histoire sans pouvoir s’en parler.» Auteur du superbe Marilyn, dernières séances, qui explorait les rapports unissant Marilyn Monroe à son psychanalyste, Michel Schneider signe un nouveau roman plus personnel qu’il dédie cette fois à son frère aîné, mort en 1976. Ce livre double se compose en fait de deux romans différents qu’on lit en alternance: l’enquête à la première personne que l’écrivain Michel Forger consacre à son frère Bernard, suicidé vingt ans après la guerre d’Algérie où il servit comme parachutiste, et un second récit, omniscient, retraçant la jeunesse des deux hommes, de leur enfance à Melun jusqu’au départ de l’aîné pour la guerre. Dans le portrait désordonné de son aîné violent dont le régiment fut accusé d’avoir pratiqué la torture, l’écrivain en apparence innocent tente de dégager ses propres torts, mensonges et tromperies, écrivant sur ce frère pour «le tuer entre les lignes», pour «libérer Bernard de ce qu’il a fait en imaginant ce qu’il aurait pu faire». Un très beau texte aux nombreux clins d’oeil à l’époque romantique, sur le deuil, le regret et les défaillances de la mémoire que seule la musique permet de cicatriser partiellement. Bercé par la voix de Maria Callas, les Valses de Chopin et les Scènes d’enfants de Schumann que jouait le père Forger sur le Pleyel familial, Comme une ombre se déploie telle une quête dérisoire et, au final, sans réelle possibilité de réconciliation. Éd. Grasset, 2011, 328 p.