Michel Tremblay : Party d’adieu

Penché depuis 46 ans sur sa famille dont il a fait la matière première de son oeuvre romanesque en l’agrémentant des couleurs de sa langue truculente et de son intarissable imagination, Michel Tremblay fait ses adieux à son originale tribu en mettant le point final à sa suite romanesque consacrée à la Diaspora des Desrosiers, le clan de femmes marginales inspiré de sa mère Rhéauna, dite Nana. Remontant sa lignée maternelle jusqu’à l’enfance de Rhéauna en Saskatchewan, l’écrivain, qui s’était auparavant longuement attardé au clan paternel mis en scène dans les Chroniques du Plateau-Mont-Royal, crée le point de jonction entre ses deux lignages et trouve une sorte de grâce au confluent de ses origines.

Le roman réunit les familles à l’occasion du mariage de Nana et Gabriel, venant combler une faille dans l’immense fresque romanesque dont on peut désormais suivre chronologiquement le cours de 1910 à 1998. Entre les exquis dialogues des femmes décomplexées qui passent leur vie à se chicaner, la révolte de la jeune Alice qui envoie chier le patron de la manufacture de cigarettes et les angoisses de Maria qui essaie de composer avec ses maigres ressources un mariage honorable à sa fille, Tremblay s’attarde aussi sur le lourd secret de Gabriel, enfant illégitime, et crée une galerie de personnages résistants et se rebellant contre l’ordre établi ou fuyant la réalité par l’imagination. Kaléidoscope d’une famille hors-norme, La grande mêlée clôt en beauté la généalogie féminine de Tremblay autour d’une noce préparée et célébrée en grande pompe à Montréal en 1922, rendant aussi un bel hommage aux gros partys que les Québécois savent tenir. Pour les lecteurs assidus de Tremblay, le roman permet de connaître plusieurs des personnages de ses romans à un âge plus précoce, mais de toutes les façons, il s’agit bien là d’un des meilleurs crus du romancier depuis les vingt dernières années.

La grande mêlée
de Michel Tremblay
Leméac / Actes Sud, 2011, 273 p.