Simon Girard : Écrivain sans foyer
Simon Girard flirte avec l’autobiographie dans un troisième roman marqué par la tentation de l’itinérance.
Il y a quelque chose de vaguement expérimental, peut-être même d’un peu antilittéraire, dans ce dernier livre de Simon Girard. Après avoir pris les traits d’une jeune danseuse qui s’initiait à la boxe (percutant Dawson Kid) et pénétré l’âme d’un père et d’un fils victimes de violence sexuelle (Tuer Lamarre), le jeune auteur montréalais s’intéresse maintenant aux vicissitudes d’un alter ego en quête de matériaux pour son oeuvre. Roman sur l’écriture, Les écureuils sont des sans-abri évite toutefois plusieurs clichés du genre en traçant le portrait d’un écrivain sortant le plus souvent de son antre pour prendre le pouls du monde.
C’est ainsi qu’il ira flamber mille dollars au casino afin de pouvoir dépeindre les tourments de son ami Marco (joueur compulsif qui finit par se suicider), "pour entrer dans sa peau et comprendre ce que cette merde fait dans sa vie". De même, la structure éparse du livre semble épouser celle de la route empruntée par son personnage qui fait des allers-retours Montréal-Percé en auto-stop pour aller à la rencontre de Michel, héros local dont il écrit la biographie. Une route qui en rappelle d’autres et qui est propice à de multiples rencontres, des fantasmes de parricide y côtoyant des projets de coups fumants… se transformant trop souvent en plans foireux.
Girard avait causé un certain émoi à la parution de Dawson Kid, alors qu’il avouait toucher des prestations de bien-être social tout en se consacrant exclusivement à l’écriture. Comme lui, son personnage d’écrivain ne fait pas dans le compromis: carburant à l’alcool et au speed, il refuse ces boulots alimentaires qui sont le lot de plusieurs (à moins d’y trouver sujet à écriture) et opte pour une existence sans téléphone ni télévision. "Vivre de mon écriture ou pas du tout", explique un narrateur tout ce qu’il y a de plus incarné, macho sur les bords et fréquentant les refuges pour sans-abri (véritable "place pour les écrivains").
Paru aux éditions Coups de tête qui proposent "des romans qui fessent" souvent sombres et irrévérencieux, Les écureuils sont des sans-abri apparaîtra aux lecteurs de Simon Girard comme un incontournable de sa trajectoire littéraire. L’image proposée d’un écrivain fréquentant les afterhours et les peep-shows n’est, au final, pas vraiment différente des univers désespérants d’humanité de Dawson Kid et de Tuer Lamarre, où l’amour finit néanmoins par se pointer le bout du nez. Et les écureuils dans tout ça? À voir…
Les écureuils sont des sans-abri
de Simon Girard
Coups de tête, 2011, 181 p.