Écrivain barbu et bedonnant, bluesman de fin de semaine et abonné à l’aide sociale, Émile Duncan s’est déniché un petit boulot aliénant dans une imprimerie où il révise des agendas scolaires destinés aux high schools américains. En révolte contre la bourgeoisie gaugauche du Plateau qui «aime ses plaisirs monotones» (tango, pesto, porto), Émile est suivi en psychiatrie, vient d’être abandonné par sa petite amie (comme par toutes les femmes), en plus d’être viré du band qui portait son nom… La parution de son roman, au contenu explosif mais dont on ne saura jamais précisément le sujet, modifiera sa trajectoire, choquant sa famille par son verbe indécent («Par en arrière, toutes les plottes sont belles» est LA citation qui court) et provoquant l’arrivée de nombreuses admiratrices (lectrice, critique littéraire, voisine) qui feront appel à ses qualités autoproclamées d’étalon. Avec La solde, Éric McComber signe le dernier volet d’une «trilogie de la lourdeur», inaugurée par Antarctique et Sans connaissance, se réclamant de Bukowski, Joyce et Céline. À défaut d’être véritablement subversif (qui l’est de nos jours?), le texte réjouit par sa tonalité sulfureuse et acide que l’auteur, par un effet de contraste hautement divertissant, oppose à ces maximes puritaines qui ponctuent les pages des agendas scolaires et dont il inaugure chacun de ses chapitres. Encore un beau titre proposé par La Mèche, jeune maison urbaine et audacieuse apparue cet automne dans notre paysage littéraire.