Voici un récit troublant et choquant. On y suit l’histoire de Thazama, un jeune garçon de l’ethnie Zomi, alors que les militaires de la junte birmane débarquent dans son paisible village pour y importer la peur et l’oppression. S’ensuit une fuite qui n’aura jamais de fin, une course qui le mènera de prison en prison et de tragédie en tragédie. On part de Mandalay, où Thazama est arrêté une première fois pour avoir participé à un soulèvement étudiant, pour se rendre jusqu’en Malaisie, terre d’accueil aride et austère pour les réfugiés clandestins qu’on traque, capture et revend comme esclaves ou qu’on kidnappe pour obtenir une rançon. Voici une oeuvre fouillée, poignante, où la trame graphique donne froid dans le dos et où le scénario, qui ne donne aucun répit au lecteur, laisse entrevoir une réalité plus troublante encore.

Car c’est bien la réalité qui nous poursuit à tous les instants dans ce récit livré par la journaliste Sophie Ansel. En bonne Occidentale naïve – ce qu’elle admet d’emblée -, l’auteure s’est rendue en Birmanie pour une première fois en 2005 surtout poussée par un désir d’exotisme. C’est cependant un visage peu connu du pays qui se présenta à elle, celui de la dictature et de ses fugitifs qui se rendent dans les pays voisins où ils sont condamnés à l’invisibilité. Exit le tourisme bucolique et balnéaire, c’est à la rencontre de ces derniers qu’elle consacra ses voyages entre 2006 et 2009 pour en tirer cet excellent album illustré par Sam Garcia. À lire de toute urgence d’une couverture à l’autre, en quête de liberté. Éd. Delcourt, collection Mirages, 2012, 189 p.