Dominic Champagne : Le dire-vrai
Livres

Dominic Champagne : Le dire-vrai

Il a songé à se présenter comme candidat indépendant aux présentes élections. Dominic Champagne a retiré ses billes, mais fait néanmoins entendre sa voix à travers Le gouvernement invisible, un pamphlet tout juste sorti des presses.

« La première fois que j’ai parlé de faire descendre dans la rue 100 000 personnes pour la cause environnementale, on m’a pris pour un fou. Même les écologistes les plus convaincus, rompus à l’organisation de manifs depuis 20 ans, n’y croyaient pas. »

Si vous dites à Dominic Champagne que son discours politico-indigné ne repose que sur l’utopie, il vous répondra sans doute quelque chose du genre. Il a trop souvent vu, à la ville comme à la scène, les projets improbables prendre corps pour accepter que l’on coupe aussi facilement les ailes à ses idéaux.

Celui qui a fait mine de s’engager en politique active, il y a quelques semaines, et qui a d’ailleurs été courtisé par différents partis avant d’envisager l’étiquette de « libéral indépendant » (lire « libéral » au sens où l’entendaient René Lévesque et Georges-Émile Lapalme dans les années 1960), ne s’est finalement pas commis, mais n’en défend pas moins ces idéaux-là dans le cadre de la présente campagne. Sa plaquette Le gouvernement invisible est traversée d’une foi profonde dans une société meilleure. Elle hurle en tout cas, sans retenue, la nécessité de remuer les rouages actuels du Québec pour mieux accorder culture, art de vivre et développement durable aux impératifs de l’essor économique.

Dans cet essai un peu échevelé, Champagne, dont on savait déjà l’intérêt pour « le potentiel du chaos », fait au fond un voeu: « Favoriser la rencontre d’une multitude de tendances, sous un même chapiteau, pour faire en sorte que les antagonismes s’opposent et s’apprivoisent, que les tensions soient créatrices, au service de la plus haute performance et de l’harmonie. »

BOUGIE D’ALLUMAGE

Tout a commencé un soir de septembre 2010, à Saint-Édouard-de-Lotbinière, quand l’auteur et metteur en scène s’est rendu à une séance d’information avec les représentants de l’industrie des gaz de schiste. Cette fois-là, l’affaire avait d’ailleurs fait grand bruit, Dominic Champagne était sorti de ses gonds. Avait pété une coche, si vous préférez, et chauffé les oreilles d’un André Caillé incapable de rassurer l’auditoire quant aux conséquences de l’exploitation des gaz en question. Un sentiment d’indignation qui ne l’a pas quitté depuis, et qui module profondément un parcours dont on aurait pu croire, après les lumières de Vegas et les virées dans le grand monde, qu’il allait s’étirer sans trop de vergogne sous le soleil des succès planétaires.

« Après l’aventure Love, je me suis retrouvé, c’est vrai, dans le pool de ceux à qui on confie ce genre de mégaprojets. Je n’ai rien contre les gros projets, on s’entend, mais il est vite devenu clair que je ne voulais pas me laisser aspirer complètement. » Deux épisodes sont par ailleurs venus lui rappeler à quel point la vie ne tient qu’à un fil – une anesthésie générale qui a mal tourné, entre autres -, et voilà le créateur plus convaincu que jamais d’avoir aussi un rôle à jouer sur la scène des enjeux sociopolitiques.

Quelles sont les prochaines étapes de cet engagement? Chose rare, ce verbomoteur regarde de biais, cherche une réponse. « Franchement, je ne sais pas, je n’ai pas de plan. Mais je ne ferai pas marche arrière. Je me sens concerné par ce qui touche nos ressources, notre pays, ceux qui suivent. »

De ses lectures et recherches actuelles il peut parler, cependant, et abondamment. On ne s’étonnera pas d’y trouver les travaux de Diogène le Cynique, par exemple, ou encore les ultimes cours de Michel Foucault, qui portent sur la notion de parrêsia, mot grec que l’on peut traduire par « franc-parler », ou « dire-vrai ».

Le gouvernement invisible
de Dominic Champagne
Éd. Tête première, 2012, 88 p.