Jésus, Cassandre et les demoiselles : Contes cruels pour grands enfants
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Jésus, Cassandre et les demoiselles : Contes cruels pour grands enfants

Nouvelle venue dans le paysage littéraire québécois, Emmanuelle Cornu ne passera certes pas inaperçue avec Jésus, Cassandre et les demoiselles, son premier recueil de nouvelles.

La Montréalaise Emmanuelle Cornu enseigne à la maternelle depuis 13 ans, et si l’on devine à travers le ludisme de sa prose poétique qu’elle est demeurée branchée sur les tourments de l’enfance, cela ne signifie pas pour autant que les 40 courtes et percutantes nouvelles qui composent Jésus, Cassandre et les demoiselles s’adressent aux tout-petits. Que nenni!

En fait, les personnages sortis de l’imaginaire fertile de Cornu semblent être des enfants devenus adultes trop vite, des enfants en détresse devant les responsabilités du monde des grands, des enfants en quête d’amour inconditionnel comme celui d’une maman. Dans les univers cruels de Cornu, ou l’on souffre, ou l’on se complaît dans la souffrance, ou l’on se plaît à faire souffrir.

D’une nouvelle à l’autre, évoluent des écorchés vifs qui se livrent à la destruction, telle cette artiste qui fracasse avec délectation ses créations dans Broche "Vitrail de papillon (rouge grenat)", catalogue no 14, printemps-été, p. 302, ou à l’humiliation, comme ce vaillant personnage faisant fi des conventions sociales et sacrifiant momentanément son standing dans Terminé.

Dans ces petits mondes où l’ordinaire côtoie l’insolite se croisent aussi amoureux largués et doux névrosés qui flirtent avec la mort, tel ce Jésus, dans la salle de bain: "Pauvre poussin, le poing fermé, les jointures blanchies, les muscles tendus, martelant le dessous de la tablette. Pauvre étoile, pauvre canard, faisant dégringoler le contenu sur le sol, à la recherche de l’objet convoité: un Bic jetable, émoussé et rouillé, qui ne lui appartient plus."

Tour à tour bienveillants, insolents et empathiques, les narrateurs qui se succèdent d’un récit à l’autre ont une voix qui ensorcelle, qui ravit et qui effraie à la fois, comme celle des contes de notre enfance qui commençaient invariablement par "il était une fois". Évoquant l’univers sombre des frères Grimm, la rage contenue de la poésie d’Anne Hébert et la candeur des comptines d’autrefois, Jésus, Cassandre et les demoiselles marque l’arrivée d’une plume d’une troublante originalité qu’il faudra à tout prix surveiller. Et en choisissant d’inclure cette première oeuvre d’Emmanuelle Cornu dans Écarts, sa nouvelle collection chez Druide, Normand de Bellefeuille prouve hors de tout doute qu’il a du flair.

Jésus, Cassandre et les demoiselles
d’Emmanuelle Cornu
Éd. Druide, 2012, 202 p.

Jésus, Cassandre et les demoiselles
Jésus, Cassandre et les demoiselles
Emmanuelle Cornu
Druide