Motel Galactic – La calvasse de clé perdue : Le futur fait simple
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Motel Galactic – La calvasse de clé perdue : Le futur fait simple

Portés par l’idée que l’avenir ne sera pas nécessairement plus brillant que le présent, Pierre Bouchard et Francis Desharnais ont créé la désopilante bande dessinée Motel Galactic. Avec Jonathan Gagnon, à l’occasion de Québec en toutes lettres, ils transposent la fiction dans la réalité.

Le premier tome de la série Motel Galactic a quelque chose de délicieusement trash. Un univers de banlieue minable, mais dans l’espace. Un boulevard Hamel à l’échelle intersidérale où il est question des modes de clonage au 26e siècle, des roulottes à patates frites de l’espace, de spatio-jets aux allures de véhicules récréatifs désuets et du 18e clone d’Elvis.

Et la suite, Le folklore contre-attaque, fait encore plus fort.

Francis Desharnais (au scénario) et Pierre Bouchard (au dessin) en rajoutent une couche et plongent tête baissée dans la farce jubilatoire où s’alignent, cette fois, la loufoque histoire de l’adoption du joual comme langage interplanétaire (grâce à Guy Laliberté et ses clones), l’intervention d’un mutant moitié Jacques Parizeau, moitié Yoda, et le retour redouté de Darte Brador, "melting-pot de tous les plus grands méchants de la culture québécoise", dont Jean-Paul Belleau, auquel il emprunte la moustache et les lunettes.

"On va faire une trilogie", s’amuse Desharnais, qu’on connaît mieux pour son travail comme scénariste et dessinateur de Burquette. "Il pourrait y avoir un coffret", poursuit Bouchard, auteur de L’Île-aux-Ours. Des figurines, suggère-t-on? "Ce serait cool", répondent-ils presque en choeur. Si vous ne l’aviez pas deviné: Motel Galactic est une affaire de plaisir.

Satire de la science-fiction en même temps que de certains pans de la culture québécoise, la série n’a peut-être de sérieux que son intransigeance devant les visions extrêmes de l’avenir que livrent les futurologues. "Le progrès n’est pas nécessairement positif", avance Bouchard, tandis que Desharnais saisit la balle au bond: "On envisage souvent le futur comme une amélioration, une vision idéalisée, parfaite de la société. Sinon, c’est l’inverse, et il s’agit d’univers postapocalyptiques."

La réponse est évidemment à contre-pied, le caractère bordélique de Motel Galactic se révélant un joyeux pied de nez à une SF méticuleuse, limite maniaque du détail. À commencer par le scénario, sorte de calque de Star Wars sous acide, manière Spaceballs. "Ou comme la série Dans une galaxie près de chez vous", suggère Bouchard. Et le dessin de ce dernier n’est pas en reste. Volontairement bâclé, exposant les ratures, les traces de gomme à effacer, et l’insertion de mots placés de force dans des phylactères déjà bancals. "C’est mon style, expose simplement Bouchard. Je n’allais pas commencer à essayer de faire comme Moebius et dessiner un nouveau vaisseau spatial hyper détaillé, c’est pas mon genre."

Le dessinateur reçoit la base de scénario de Desharnais, y ajoute des détails, du dialogue, des éléments narratifs. Il s’approprie l’histoire dont il est d’ailleurs le héros, ainsi que son clone… Visiblement, les deux auteurs s’amusent comme des enfants à patauger dans cet univers où tout est permis. Après tout, le futur est un décor idéal pour dire le délire du monde et en faire la caricature.

"En fait, synthétise Desharnais, ce qu’on présente, c’est une image du Québec au présent, déformée par le futur, avec toutes ses erreurs et ses niaiseries."

"Il y a des questionnements politiques qui restent. Progressistes et conservateurs, question nationale…" ajoute Bouchard, qui regarde vers le passé pour souligner qu’effectivement, plus ça change, plus c’est pareil.

"Et puis il y a des filles qui se font cloner avec des fausses boules", termine son comparse en se fendant le visage d’un sourire qui dit tout le potentiel de bêtise que recèle notre époque.

Le vrai du faux

En fait, l’univers de Motel Galactic est si près du réel qu’il ne sera pas si difficile de le transposer dans une version grandeur nature. Ce que se sont sans doute dit les deux auteurs lorsqu’ils ont présenté leur projet pour Québec en toutes lettres, où l’on a même réclamé qu’il soit encore plus gros et imposant que prévu.

On pourra donc monter dans un autobus, et aboutir, grâce à une faille spatiotemporelle ou quelque astuce du genre, directement dans le stationnement du fameux établissement où dormir et faire la sieste. Vous y attendent Pierre Bouchard 2.1.1 (joué par Jonathan Gagnon), un musée du futur, "et une sorte de jeu, de quête", précise Desharnais.

Motel Galactic est une affaire de plaisir, vous disait-on. Et ça se voit. Nos deux compères sourient, on devine qu’ils ont très hâte de voir le fruit de leurs imaginations conjointes en trois dimensions, en chair, en feuilles de gypse et en tôle.

"Va y avoir un spatio-jet, termine Pierre Bouchard 1.0. Avoue que t’as hâte de le voir." J’avoue.

Le 12 octobre à 20h
Départ en navette à la bibliothèque Gabrielle-Roy

Tous les détails au www.quebecentouteslettres.com

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Québec en toutes lettres

Comme c’est désormais la tradition, le festival littéraire Québec en toutes lettres appuie sa programmation sur l’oeuvre d’un auteur. En choisissant, pour sa troisième édition, le grand maître de la science-fiction qu’est Isaac Asimov, les organisateurs ont décidé d’investir un univers aussi fertile que populaire: la science-fiction. L’occasion, donc, d’en apprendre sur différents auteurs, et d’en croiser aussi, dont Jean-Claude Mézières. On pourra aussi se pencher sur les fondateurs du genre chez nous: la conférence "Les Asimov québécois: pionniers de la SF au Québec" sera présentée à de multiples reprises dans différentes bibliothèques. Ailleurs, des films, des conférences et des activités pour la famille vous attendent tous les jours, du 11 au 21 octobre. Pour la plupart des événements, vous devrez porter le macaron, illustré par Mézières, au coût de 15$.