Geneviève Jannelle / L’Orphéon : La bande des cinq
Cinq écrivains échafaudent, un roman à la fois, L’Orphéon, building de tous les possibles. Parmi eux: Geneviève Jannelle et son Odorama, capiteux suspense aux parfums de jalousie.
C’est le mythe de l’écrivain reclus dans son sous-sol, indécrottable sociopathe, qui va en prendre pour son rhume, littéralement écrasé sous le poids de L’Orphéon, building échafaudé de concert par cinq auteurs, un roman à la fois (chaque roman correspondant à un étage). « Travailler en groupe a été pénible. En effet, qu’y a-t-il de plaisant à se retrouver cinq écrivains autour d’un bon repas et de quelques bouteilles de vin? » ironise dans le dépliant de présentation de la série le maître ès horreur Patrick Senécal, dont le Quinze minutesparaîtra en janvier.
Caprices d’épicuriens ou nécessaires séances de mise en commun que ces grandes tablées? demande-t-on à Geneviève Jannelle, qui avait séduit en 2011 avec son premier roman, La juche, et qui signe aujourd’hui Odorama. « Les romans sont autonomes, assure-t-elle, mais ce qui est le fun, c’est de les lire successivement et de relever les liens. Tout au long du processus, nous avons dû nous rencontrer pour partager notre histoire avec les autres. Tout le monde devait pouvoir se servir des personnages des autres. »
Vous croiserez ainsi chez Jannelle le Louis Corax de Stéphane Dompierre (personnage principal de son roman Corax), le Johnny Net de Senécal et les escortes de luxe qui rouleront des hanches dans Coïts de Véronique Marcotte (à paraître aussi en janvier). Ce processus d’arrimage, auquel a également participé Roxanne Bouchard (qui signe Crématorium Circus), a-t-il été le théâtre d’affrontements? « Non, c’était en fait très stimulant. J’ai envoyé les scènes de mon roman dans lesquelles figurait Corax à Stéphane pour qu’il me dise si son personnage pensait vraiment comme ça. On se renvoyait constamment la balle. »
L’odeur de l’amour
L’odorat serait-il le sens cardinal de l’amour? Voilà ce que postule joliment la prémisse d’Odorama, haletant suspense olfactif. Largué par sa copine et à court de chandails dans lesquels se fourrer le nez pour pacifier son sevrage affectif, le maître chimiste Laurent, employé de la boîte spécialisée dans la reconstitution « d’odeurs commerciales » Odossens, mettra en flacon l’arôme intime de sa douce. Entreprise qui s’avérera concluante et salvatrice, du moins jusqu’à ce que sa Sofia demande à être reprise. Comment a-t-elle pu changer d’odeur en un si court laps de temps? « J’avais envie de passer par le nez pour explorer une histoire d’amour, dit Jannelle. Je soupais chez une amie et quand je lui ai expliqué que j’étais dans un projet où chacun des auteurs devait investir un étage d’un même immeuble, elle s’est rappelé le jeu des étages qu’elle faisait avec son fils quand elle le nourrissait, bébé, idée que j’ai placée en prologue. »
Odorama désertera cependant rapidement le charmant romantisme éperdu de ses premières pages pour peu à peu dérailler, jusqu’à ce qu’un lent et entêtant parfum de jalousie embaume toute la page. « J’avais envie qu’à la fin les gens disent « ah! » et aient envie de retourner lire des petits bouts. J’ai distillé au compte-goutte des indices partout. »
Odorama
de Geneviève Jannelle
VLB, 2012, 208 p.
Corax
de Stéphane Dompierre
VLB, 2012, 160 p.
Crématorium Circus
de Roxanne Bouchard
VLB, 2012, 200 p.
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En table ronde
Le 18 novembre à 15h30