Lancement de Ti-Rock: récit en 16 pièces : Une autre chambre d’hôtel
La photographe Julie Gauthier ouvre la porte sur Ti-Rock, un ouvrage singulier recueillant images oubliées et textes musicaux signés Richard Desjardins, Bernard Adamus et plusieurs autres.
André Péloquin
Photo : monochromegod.blogspot.ca
«J’écris pour le fun, à la limite du haïku, mais là je me suis donnée un peu plus que d’habitude!» lance d’emblée Julie Gauthier, revenant sur sa nouvelle où il est autant question de rupture que de podophilie et de bénédiction de Ski-doo. Plus photographe qu’auteure, donc, Julie Gauthier a notamment capté sur le vif les bêtes de scène Sunny Duval et Bernard Adamus pour les pochettes de leurs albums Sein noir, Sein blanc et Brun. Ceux-ci collaborent d’ailleurs, à titre d’auteurs, à Ti-Rock, un projet de livre qui s’est transformé en véritable épopée homérique.
Condoms et Ti-Jésus
C’est lors d’un passage à Deschambault en 2005 que la photographe entend parler de chez Ti-Rock, hôtel particulièrement apprécié par les gamins du coin car Roch Julien, jadis tenancier de l’endroit, avait l’habitude «d’oublier» de carter ses clients. Subjuguée par la bâtisse, qui était alors à l’abandon, Gauthier a par la suite retrouvé les propriétaires actuels afin d’immortaliser le gîte avant qu’on lui donne une nouvelle vocation.
«J’aime ce qui a du vécu», réplique l’artiste lorsqu’on lui demande d’où provient cet attrait pour de gros plans de chambres tristes, ornées d’icônes religieuses et de condoms sur fond de tapis sale. «Dans des lieux comme ça, y a une espèce d’archéologie ou d’anthropologie moderne en arrière-plan. Tu sens toujours la vibe de ce que c’était. C’est inerte et éphémère, mais tu vois que ça a été habité, que ça a servi. Tu en viens à te sentir comme une des dernières personnes à s’y retrouver, à constater cette espèce d’ambiance-là. C’est ce qui me parle.» Et c’est ce qui explique l’implication de «rockeurs» qui, pour citer Gauthier, «connaissent bien cet univers des hôtels… je dirai pas miteux, mais de qualité moyenne»!
De l’importance des bottes Sorel
Ouvrage collectif de longue haleine, Ti-Rock contient les clichés de Gauthier ainsi que des textes inspirés par ceux-ci. Parmi les auteurs, on retrouve Stéphane Lafleur, d’Avec pas d’casque, ainsi que la regrettée Ève Cournoyer, rencontrée par connaissances interposées. «Comment ne pas être amie avec elle?» se rappelle la photographe. «On la croisait une seule fois et soit on devenait les meilleures buddies au monde, soit ça ne marchait pas du tout; heureusement, je suis tombée dans la première catégorie.»
Malgré l’engouement d’une certaine communauté musicale, le milieu littéraire, lui, s’est montré intéressé… avant de se faire frileux. «Frileux, tu dis? Je leur paierais des bottes Sorel! Ça leur ferait du bien, je crois!» réplique Gauthier en rigolant, pointant de nombreux délais liés à des maisons d’édition. «Je ne voulais pas rester prise avec. J’ai fait ma tête de cochon et je l’ai publié moi-même!» conclut-elle tout en annonçant un tome 2, illustrant les dédales de l’édifice CIBC, situé dans le Vieux-Montréal, «dans moins de sept ans, en tout cas»!