Livres

Survol : Cinq livres à rescaper de 2012

Avant que 2013 ne fasse déferler un torrent de nouveautés, rescapons de 2012 cinq indispensables livres dont nous avions jusqu’ici omis de vous jaser.

Les verrats

Très bon écrivain de genre (Prison de poupées), Edouard H. Bond sera devenu en 2012, avec le concours d’un triumvirat de petits verrats abrutis d’hallucinogènes et de pornographie, un très bon écrivain, point. Sous cette chronique d’un congé des Fêtes qui virera au cauchemar éveillé, Bond érige, sans donner dans le prêchi-prêcha, un bel hommage à la littérature, seul sauf-conduit permettant à David, le narrateur, de se soustraire momentanément à ce Laval gris gadoue qui menace de l’engloutir. Un roman transcendant l’étiquette trash qui lui colle au cul. Éd. VLB, 152 p.

Les armes à penser

Après Jonquière LSD, Shawn Cotton affûte Les armes à penser, petit recueil néanmoins gros comme le cœur de la fille assise au bout du bar. Sagace héritier, mais pas esclave, de la contre-culture, le poète frenche les rues de Montréal en gardant l’œil bien ouvert, avec la vigilance de celui qui sait qu’elles peuvent à tout moment se transformer en trou noir. Noctambule, Cotton cherche d’abord la vérité au fond d’une bouteille et finit par la trouver au creux de la hanche de sa blonde, grâce à une langue dont l’élégance l’emporte toujours sur ses envies joualisantes. «J’ai compris que la première révolution / est de faire trembler le corps de celle que j’aime», conclut-il. Le carré n’était pas rouge pour rien. Éd. L’Oie de Cravan, 59 p.

Coma

Un roman québécois se déroulant entièrement en Chine et au Japon, avec des personnages chinois et japonais de surcroît? L’inusité projet de François Gilbert, que le lecteur de mauvaise foi pourrait prendre à tort pour une lubie d’atelier d’écriture, aura pourtant fait germer un des premiers livres les plus énigmatiquement ensorcelants de 2012. C’est paradoxalement au compte d’une écriture pudique, qui mesure presque maladivement ses effets, qu’il faut porter la sensualité de cette étrange histoire chargée de dévorants désirs et qui emprunte au roman japonais son rythme languide. Éd. Leméac, 120 p.

Généralités singulières

Entre calembours d’ado attardé façon François Pérusse («Jamais Gogol n’aura pu se googler.») et fulgurances de philosophe à la petite semaine façon Pierre Légaré («Le temps arrange bien les choses. Excepté le cabanon pourri au fond du jardin.»), Simon Paquet épingle la nature indécrottablement veule de l’animal humain dans ce désopilant recueil d’aphorismes, jouissif appendice de l’œuvre d’un des trop rares défenseurs du roman comique au Québec (voir Une vie inutile). Le livre qui aurait pu dissuader John Kennedy Toole de se suicider. Éd. Héliotrope, 96 p.

Le reflet de la glace

Que le deuxième roman de Geneviève Drolet renferme à la fois les scènes charnelles les plus bandantes et les plus révulsives de l’année témoigne de l’agilité d’une auteure qui s’obstine à ausculter le bas-ventre de ses personnages, siège de deuils enfouis et de désirs niés. Variation sur le thème Éros/Thanatos, Le reflet de la glace s’aventure dans les contrées de l’extrême, là où le sexe souille autant qu’il élève. La petite mort aura rarement autant ressemblé à la véritable que dans ce haletant triangle amoureux dont se mêlera la maladie. Éd. Coups de tête, 184 p.