Recommandations : Des BD sur mon bureau
Dans la foulée des rétrospectives de fin d’année et de la rentrée culturelle de janvier, je n’ai guère eu le temps d’y aller de mes suggestions BD habituelles. Je prends un lamentable retard et les albums s’accumulent sur mon bureau. Franchement, la hauteur de la pile commence à me faire un peu peur! Alors voilà! J’en extrais trois excellents titres que je vous recommande chaudement.
Arrivé sur mon bureau à la fin de l’automne dernier, Moi René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag IIB, dernier album signé par Jacques Tardi et publié chez Casterman, devrait impérativement attirer votre attention. Réalisé à partir des souvenirs de son père, prisonnier de guerre français en Allemagne lors de la Seconde Guerre mondiale, ce récit porte un éclairage sensible et réaliste sur une réalité peu apparente pour le grand public de cette guerre qui a pourtant été couverte en long et en large par une foule de travaux littéraires et cinématographiques. Si on a beaucoup entendu parler des camps de la mort, on a beaucoup moins croisé le quotidien des camps de prisonniers où s’entassaient des militaires capturés au combat. René Tardi était un de ceux-là, et son fils Jacques a composé sa narration en lui prêtant voix et en entrant même, au fil des cases, en dialogue avec lui. On lit cette aventure riche en texte le cœur serré d’une couverture à l’autre, d’un seul trait, sans pouvoir s’en arracher. La bonne nouvelle arrive à la toute fin… Alors qu’on espérait y trouver un dénouement, on nous annonce qu’il ne s’agit ici que de la première partie. J’attends la seconde avec impatience. Une œuvre de maître.
Moi René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag IIB
de Tardi
Éd. Casterman, 188 pages
[voir_etoile cote=4]
Toujours à la même époque de cette Seconde Guerre mondiale, la première partie de Cézembre, un album signé Nicolas Malfin et publié dans la très belle collection Aire libre chez Dupuis, nous offre une œuvre presque cinématographique située dans le décor de la Normandie, à Saint-Malo, en 1944. L’île de Cézembre, dans la baie, est alors occupée par les Allemands qui en font une forteresse maritime. On suit ainsi dans la ville une jeunesse qui rêve de résistance alors qu’elle doit composer avec l’occupation, à laquelle d’autres jeunes collaborent. Malfin parvient, dans ce qui est son tout premier album, à nous accrocher à une œuvre graphique d’une étonnante beauté, où des personnages typés et profonds jouent leur vie et leur honneur. On y croit à toutes les secondes. Excellent et solide. Vivement la suite!
Cézembre
de Malfin
Éd. Aire libre / Dupuis, 72 pages
[voir_etoile cote=3]
On fait maintenant un bond de près de 30 ans dans le temps pour savourer le plus récent album de Fabien Nury – je vous ai déjà dit tout le bien que je pensais de son travail de scénariste pour la série Il était une fois en France – et Pierre Alary. Nous sommes en 1917, en pleine Première Guerre mondiale. La France est alors politiquement déchirée entre Caillaux et Clémenceau, et le contexte est parfait pour de sombres tractations entre ennemis, espions, traîtres et patriotes. Silas Corey, ancien reporter devenu détective, lui, semble être dans tous les camps, du moment qu’on le paie… Et le moins qu’on puisse dire, c’est que les clients sont nombreux à vouloir faire affaire avec lui! On nage ici en pleine fiction, avec une sorte de gentleman espion sachant manier la canne-épée (d’une agilité sans pareille sous la plume de Pierre Alary), tout en se collant à un contexte historique assez documenté pour y croire. Un très bon album et un scénario à la hauteur de ce qu’on pouvait attendre de la part de Nury.
Silas Corey, Le réseau Aquila 1
de Fabien Nury et Pierre Alary
Éd. Glénat, 64 pages
[voir_etoile cote=3.5]