Mois de la poésie: Annie Lafleur et Jonas Luyckx / Le cinéaste et l’inverse : Mains nues dans le manque
C’est beau, l’amour. Et les fleurs, et tout. Mais que faire de la distance et du manque? Annie Lafleur et son conjoint ont choisi d’en faire une œuvre.
Elle, poète montréalaise; lui, cinéaste liégeois. Entre eux deux, la distance. De là l’idée pour Annie Lafleur de réaliser avec son conjoint, Jonas Luyckx, un projet qui donnerait forme à ce sentiment complexe: «C’est une réaction à l’absence de l’autre, un manque à gagner. Et tout ça dans le film se passe tantôt avec violence, tantôt avec délicatesse.»
Car leur spectacle – Le cinéaste et l’inverse, sur la scène de l’Espace Hypérion, dans le cadre du Mois de la poésie – alliera à la poésie l’image: des plans lents, contemplatifs, qui pour certains rappelleront un Terrence Malick, précise Annie Lafleur. Devant les projections en forme d’éloge de la nature et de la force, celle-ci attaquera un poème de Raimbaut d’Orange: Alors brille la fleur inverse.
«C’est une métaphore filée, un chef-d’œuvre, une construction virtuose. Chacun des vers est repris dans toutes les strophes, dans un effet miroir, une répétition, des contraires. Ça fait 12 ans que je lis ce poème, et je me disais qu’un jour j’allais l’utiliser.»
Sensible aux possibles de la langue, on ne peut empêcher le point d’interrogation: un poème de la lyrique occitane du 12e siècle – adapté, certes –, d’une construction syntaxique inversée avant-gardiste pour l’époque, n’a-t-il pas de quoi larguer le mieux intentionné des spectateurs?
«Justement pas. Sans que ce soit un poème 100% accessible, ou quoi que ce soit. Je le livre deux fois; c’est voulu précisément pour qu’on puisse rentrer dans le texte. Et étant donné que c’est un poème d’amour construit avec des mots simples, et des images fortes syntonisées avec les projections, ce sera encore plus adapté.»
Exit, donc, cet écueil du récital, qui prend parfois la forme d’une question: qu’est-ce que je fais ici? L’expérience des spectacles littéraires, Annie Lafleur la possède de toute façon suffisamment: son troisième recueil de poésie, Rosebud, vient d’ailleurs tout juste de paraître au Quartanier.
«Mes textes sont souvent beaucoup plus difficiles d’approche. Je pense que tout est dans le dit, dans le parlé. Je déteste les récitals d’un ennui mortel, les textes récités comme si c’était lu chez soi. C’est sûr que je vais lire ce poème avec une certaine intensité, et je ne pense pas que ça va garder le spectateur en dehors de tout ça.»
Le 20 mars à 20h
À l’Espace Hypérion
À l’occasion du Mois de la Poésie