Festival du texte court de Sherbrooke : Le micro de feu
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Festival du texte court de Sherbrooke : Le micro de feu

Le Festival du texte court de Sherbrooke s’émancipe plus que jamais de la scène slam qui irrigue sa programmation depuis quelques années et ouvre la porte à l’oralité sous toutes ses formes. Portrait d’une de ses têtes d’affiche, Alexis O’Hara, qui compte bien embraser le micro que lui tend cette huitième édition.

Sophie Jeukens, une interlocutrice qui mesure toujours ses mots, aurait difficilement pu être plus impérative. «Il faut absolument que tu parles à Alexis O’Hara!», me répondait-elle lorsque je lui demandais, dans les jours suivant le dévoilement de la programmation de la huitième édition de ce Festival du texte court de Sherbrooke dont elle mène la destinée, avec lequel des artistes y figurant je devrais jaser. La curiosité déjà bien piquée du journaliste se changerait en ahurissement total quand, au moment de fixer un rendez-vous pour une entrevue téléphonique, la sympathique organisatrice m’écrirait: «Tu peux appeler Alexis en soirée demain, mais pas en après-midi, parce qu’elle monte un igloo de haut-parleurs.» Ouate de phoque, un igloo de haut-parleurs?

«Un centre d’art actuel à Montréal présentait une expo rassemblant des idées d’installations impossibles à réaliser, m’explique finalement O’Hara que je supplie d’éclairer ma lanterne. J’avais dessiné une maison en haut-parleurs habitée par une femme dont la tête est un micro. Chaque fois qu’elle longeait le mur, il y avait du feedback incroyable. L’idée provient à la base d’un rêve, mais c’était aussi une extrapolation de ma relation avec le micro; dans mon travail de performance vocale, je joue beaucoup avec le feedback. Après que j’ai présenté le dessin, la directrice artistique m’a demandé: C’est-tu un vrai projet? Veux-tu le faire pour vrai?»

Squeeeeque!, l’igloo improbable, qui a accueilli à Montréal, Paris et Berlin des centaines de visiteurs heureux de renouer avec le ludisme d’une cabane rappelant l’enfance tout en s’exprimant dans un des micros mis à leur disposition, ajoutait ainsi en 2009 une couche de complexité au curriculum vitæ d’Alexis O’Hara, authentique passe-muraille qui résiste de manière presque militante à la définition. Pionnière de la scène slam anglophone (au sein de laquelle elle a fait ses premières armes à la fin des années 1990), musicienne conjuguant expérimentation et spoken word (sa discographie compte deux albums, dont le plus récent, Ellipsis, date de 2010), performeuse n’hésitant jamais à mettre son cœur sur le billot (dans L’éponge à soucis, des étrangers posent leur tête sur son épaule pour se confier à elle sans filtre), la fille de père anglo et de mère franco ne saurait être confinée à une seule case (un cauchemar de journaliste paresseux, si vous permettez le pléonasme). À l’occasion du spectacle Sonores (durant lequel la poète Annie Lafleur et le contrebassiste Hugo Blouin prendront aussi le crachoir), la vétérane branchera pédales d’effets et autres séquenceurs pour livrer une de ces performances entre stand-up comic, improvisation et musique grâce auxquelles elle a d’abord fait sa marque. «Je me suis toujours définie par opposition, note celle qui récusait jadis toutes les étiquettes – dont celle de spoken word –, mais qui dit s’être réconciliée avec leur nécessité. J’hésite à parler de poésie pour décrire mon travail parce que ce que je fais, c’est plus sur le ton de la conversation. Si je participe à des événements de poésie orale, c’est seulement parce que les gens sont assez gentils pour m’inviter, même si je me suis foutu de leur gueule pendant des années.»

Se foutre de leur gueule? Pourquoi donc? «Je ne me suis jamais moquée des individus. Le problème avec le slam ou le spoken word, c’est qu’il y a parfois une confusion dangereuse entre la thérapie et l’art. Le spoken word, c’est tellement personnel que les gens pensent que s’ils vont puiser dans la partie la plus noire d’eux-mêmes et qu’ils la partagent, ça va être transcendant. Quand je travaille avec de jeunes écrivains, c’est toujours cette idée que je veux détruire. On dit beaucoup: « Écrivez ce que vous connaissez. » Moi je dis: « Ben non, écrivez ce que vous ne connaissez pas! » La banalité de nos expériences personnelles, parfois c’est rassembleur, mais pas tout le temps. Il ne faut pas avoir peur d’aller vers le ridicule, le fantastique et l’imaginaire.» Que d’intrigantes destinations.

Sonores

Le 25 mai à 20h

À Sporobole, centre en art actuel

Festival du texte court de Sherbrooke

Du 23 au 26 mai

festicourt.org

À voir au Festival du texte court de Sherbrooke
Des poèmes dans ta boîte

Placé sous le signe du thème Terres, prétexte à labourer la notion d’appartenance et de territoire, le Festicourt (c’est son petit nom) 2013 rend hommage aux premiers habitants du continent en réunissant lors de son spectacle d’ouverture Taqralik Partridge et la nouvelle star de la poésie innue, Natasha Kanapé Fontaine, qui l’automne dernier faisait paraître un premier recueil au titre aussi joli que menaçant, N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures. Le 23 mai à 20h à La Petite Boîte Noire.

Terres: un spectacle transatlantique

Grâce à la magie d’Internet, cette formidable machine à abolir les frontières, les voix de poètes belge, espagnol, français et ontarien se marient aux performances d’artistes estriens de tous les horizons. Le 24 mai à 20h à la Salle Le Tremplin.

Terrains minés

Catherine Dorion faisait surchauffer les réseaux sociaux lors des plus récentes élections grâce à une amusante vidéo raillant la langue de bois des politiciens de carrière. L’ex-candidate d’Option nationale dans Taschereau et comédienne s’allie à la toujours sportive Claudine Vachon, à la touche-à-tout Marjolaine Morasse, à la musicienne Jo-Any Martel et à la théâtrale Marianne Roy (qui s’est cette année découvert une vocation de poétesse) pour faire exploser la parole féminine. Le 24 mai à 22h à la Maison des arts de la parole.

Réclame ta rue!

Le côté sombre du centre-ville s’illumine de la présence de clowns, de diseurs et de divers joyeux drilles à l’occasion de la traditionnelle kermesse familiale du festival. Le 26 mai dès midi dans la rue Wellington Sud.

Slam de contes

Prenez une soirée slam de poésie, remplacez les versificateurs par des conteurs, demandez-leur de déballer leur histoire en cinq minutes maximum et obtenez une soirée slam de contes, prometteur concept présenté pour la première fois à Sherbrooke. Le 26 mai à 19h30 à La Mare au Diable.