Marie-Francine Hébert et la littérature jeunesse : De la tanière au salon
Salon du livre de Montréal 2013

Marie-Francine Hébert et la littérature jeunesse : De la tanière au salon

Marie-Francine Hébert est (enfin) invitée d’honneur au Salon du livre de Montréal et profite d’une petite sortie de sa tanière pour reprendre brièvement le flambeau de l’identité littéraire québécoise.

Généralité non vérifiée: tout adulte québécois qui dépasse aujourd’hui tout juste le tournant fatidique de la trentaine a flirté avec le travail de Marie-Francine Hébert dans sa jeunesse. Venir au monde, Un monstre dans les céréales, Une tempête dans un verre d’eau, Une sorcière dans la soupe, Le cœur en bataille, Je t’aime, je te hais, Sauve qui peut l’amour ne sont qu’un échantillon de ce qui a fait son succès comme auteure jeunesse dans les années 1980 et 1990. «J’ai été beaucoup de l’avant dans la période folle de la courte échelle. Il y avait une cause qui était plus grande que la mienne. L’idée était de contribuer à rendre la littérature jeunesse québécoise populaire et accessible. Quand j’ai commencé, il n’y avait à peu près pas de livres québécois dans les librairies. On publiait un livre et on le cherchait partout. Donc, il y a eu ce petit groupe d’auteurs, avec Bertrand Gauthier comme animateur et PDG de la courte échelle, qui a décidé de mettre la littérature québécoise de l’avant et d’écrire des livres tellement passionnants que les jeunes ne pourraient pas faire autrement que les lire, et effectivement, on a gagné notre pari.»

Prix littéraires et reconnaissances

Gagner son pari, oui, mais pour un temps qui semble aujourd’hui chose du passé: «Cette période-là est révolue, tout comme le nationalisme, je pense. Il y avait l’envie d’acheter chez nous, d’encourager nos auteurs et tout ça, mais là, je considère qu’on est dans un creux pour la littérature québécoise – pour sa reconnaissance – et la culture québécoise, en général. Je ne sais pas c’est quoi ce backlash qui fait que t’es en nomination pour des prix et quand tu vas dans des librairies à grande surface, les livres nommés ne sont même pas là. C’est étonnant.» C’est en effet la constatation qu’a pu faire Marie-Francine Hébert lorsqu’elle a récolté, cet automne, une nomination pour le prestigieux prix TD de littérature jeunesse pour Tu me prends en photo.

Lorsqu’on lui demande ce qu’elle pense, justement, de la petite sortie qu’avait fait son collègue Philippe Béha l’an dernier au Salon du livre de Montréal à l’endroit de Renaud-Bray et de la visibilité que la chaîne accordait aux livres jeunesse québécois, elle n’hésite pas une seconde: «C’est tout à fait justifié! C’est décourageant, parce que je considère que la littérature québécoise, en ce moment, a atteint des sommets; on a des auteurs, des illustrateurs et les livres extraordinaires et audacieux, mais on dirait que les gens, ici, ne s’en rendent pas compte. Je me demande comment ça se fait qu’à chaque fois qu’il y a l’annonce des prix du Gouverneur général, on fait un petit topo dans le journal, mais la plupart du temps, on ne mentionne pas l’auteur ni l’illustrateur jeunesse. Gagner un prix du Gouverneur général, au Canada, c’est immensément prestigieux, mais au Québec, ça ne veut rien dire. C’est difficile à comprendre.»

Guerre et paix

Depuis quelques années, l’écrivaine se sent fort interpellée par le sentiment d’impuissance et de culpabilité qui la traverse parfois, émanant de diverses situations, dont la guerre et ses ramifications. Après Nul poisson où aller, L’âme du fusil et Tu me prends en photo, elle pense cependant avoir fait le tour de la question: «À un moment donné, quand on écrit ce type de livres, on se demande pourquoi on fait ça. Pour sensibiliser les enfants d’ici, pour leur dire que dans certains pays, il y a la vraie guerre qui tue de vraies personnes et souvent des enfants. Et il y a toujours la petite voix qui te dit: « Qui es-tu, toi, pour pouvoir parler de la guerre? » Pourtant, ça fait plusieurs fois que des gens d’origine étrangère viennent me voir pour me remercier d’avoir essayé de parler de ce qu’ils ont vécu, car ils en sont incapables. Mais c’est la même chose avec des enfants quand on traite de réalités difficiles. Dans les salons, ils viennent nous voir et nous disent: « Comment t’as fait pour deviner mon histoire? »»

En fin d’entrevue, c’est elle qui me remerciera, cette fois-ci, d’avoir lu ses livres, plus jeune, et surtout de le lui avoir dit. «De savoir que ça a rejoint des jeunes, que ça les a touchés, ça vaut tous les prix.»

Marie-Francine Hébert est invitée d’honneur au 36e Salon du livre de Montréal qui se déroule du 20 au 25 novembre 2013. salondulivredemontreal.com