Quatre livres à ne pas oublier : Les rescapés de 2013
En cette fin d’année 2013, l’heure est aux bilans mais aussi à la (re)découverte de livres sur lesquels l’œil avait glissé trop vite. En voici quatre à ne pas oublier.
Retour d’outre-mer — Julia Pawlowicz
Paru fin février 2013, ce premier roman de Julia Pawlowicz accroche, triture, fascine et bien d’autres verbes tout aussi chargés émotivement. Contrairement à plusieurs de ses semblables qui écrivent un premier roman, Pawlowicz ne joue pas dans la surcharge. La relation fraternelle entre Maria et Tomek le mystérieux, et les trois vagues déferlantes ayant emporté Maria au fil du temps – le décès de son père Zbigniew, la disparition de sa mère Ewa et sa passion amoureuse avortée avec Chuck – sont marquées au fer de la précision, de la fluidité. Retour d’outre-mer propulse autant dans la beauté du Maine que dans celle, plus aride, de l’Algérie, la froideur de la Pologne et les temps fades de Pointe-aux-Trembles. Roman à lire l’été – et encore plus pour prendre une pause en cette fin d’année 2013 –, avec ses couleurs du Maine, Retour d’outre-mer s’est mérité une nomination au Prix des cinq continents de la Francophonie et saura paver la voie d’une brillante carrière d’auteure.
Triptyque, 2013, 168 pages
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Entre avoir et être. Deux collectionneurs s’exposent — Bernard Landriault
ÇA, c’est ce à quoi on ne s’attend pas en art visuel: un collectionneur, Bernard Landriault, prend la plume et se révèle, révèle ses œuvres qu’il a achetées, par amour et admiration au fil de 40 années, et avec son complice Michel Paradis depuis 25 ans, par fascination pour les créations d’artistes qui ont su grandir avec eux. La collection Landriault-Paradis fait la part belle à l’art contemporain québécois et aux artistes du 21e siècle. Raphaëlle de Groot, Chih-Chien Wang, Adad Hannah, Yann Pocreau et Raymonde April ne sont qu’un échantillon du parcours de «collectionneur» de Landriault et Paradis. Je mets le mot délibérément entre guillemets, car l’auteur apporte lui-même un bémol au nom dont l’expression l’agace, le gêne: «Non seulement nous classe-t-elle comme acheteurs et bourgeois, mais elle objective la démarche et nous presse d’y trouver un sens.» Textes, histoires, anecdotes, analyses savantes et honnêtes des œuvres qui forment la collection, Entre avoir et être est ce qu’il convient d’appeler une autobiographie visuelle intime d’une collection et de ses propriétaires; comme un manuel d’histoire de l’art contemporain. À lire, pour s’initier, se rappeler ou simplement admirer.
Éditions du passage, 2013, 218 pages
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Québec Western. Ville après ville — Jacques Blondin, Melissa Maya Falkenberg, Marie Hélène Lebeau-Taschereau
Québec Western, plus qu’un superbe livre de table de salon ou faisant des jaloux parmi vos bouquins – la direction artistique est magistrale –, est un travail intelligent, une plongée directe dans ce que le Québec et le western sont à l’histoire de nos vies. Certes, il s’agit d’un effort de longue haleine, acharné et passionné, mais aussi construit sans autre prétention que celle de faire découvrir à tous l’histoire fascinante et riche d’une culture, d’un genre musical, d’une attitude, d’un milieu de vie qui ne commet pas l’impair de se montrer hautain. On passe par la musique, bien sûr – comment l’oublier? –, mais aussi par les symboles du cow-boy, par le rodéo, par la littérature – où interviennent William S. Messier et Aimée Verret, entre autres –, par les origines du cow-boy, évidemment, et par la télévision qui aura façonné l’imagerie de cette culture. On y retrouve aussi le côté cinématographique de la culture western, de même que les régions québécoises les plus propices à sa découverte. Et il ne serait de bible du Québec Western sans une incursion dans les grands rassemblements, du Festival Western de St-Tite au Festival Country du Camping de Ste-Madeleine. Bien sûr, les auteurs auront voulu y inclure une nouvelle vague de cow-boys fantaisistes, bien que méconnus à l’extérieur d’un certain cercle d’initiés, dont MC Gilles, Sunny Duval et Saint-Sipolette, mais en somme, Blondin, Falkenberg et Lebeau-Taschereau réussissent à captiver le lecteur, le curieux, l’amateur de photographies chargées d’émotions et d’histoire signées Lucas Harrison Rupnik et Melissa Maya Falkenberg, bref l’amoureux d’histoires magiques.
Éditions Les Malins, 2013, 304 pages
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Tungstène de bile — J-F Nadeau
J-F Nadeau voit au-delà de ce qui est, de ce qui nous frappe, nous, communs des mortels. Nadeau varge dans les mots avec finesse, pendant que nous restons assis tranquillement devant Tout le monde en parle. Tungstène de bile, c’est tout ce qui ne va pas, tous les accrocs au bonheur, tous les troubles du quotidien racontés en poèmes par l’histoire de Robert, du Clown, de Drew, de Stella, de Marie, de Maureen et des autres. Tungstène de bile pourrait être conté, récité, déclamé, envoyé promener tant ce recueil explose de rires, de pleurs, de rythmes, de mots mouillés/morts/fous.
Éditions de l’écrou, 2013, 71 pages