FBDFQ : Le deuxième père de Spirou à Québec
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FBDFQ : Le deuxième père de Spirou à Québec

L’auteur breton Jean-Claude Fournier, à qui l’on doit, entre autres, neuf albums de la série Spirou, s’amène dans la capitale du 9 au 13 avril pour le 27e Festival de la bande dessinée francophone de Québec. 

Qui dit Jean-Claude Fournier pense immédiatement Spirou. «C’est lui qui a relevé le défi ingrat de prendre le relais du génial Franquin sur la série, travaillant sur Spirou de 1968 à 1981. À l’époque, aussi bien qu’avec le recul des décennies, son travail a suscité le respect», note le spécialiste de la bande dessinée Michel Giguère. Évidemment, l’œuvre de Fournier ne se limite pas à ces neuf albums, loin de là: on n’a qu’à penser à sa série Bizu ou encore à son travail de dessinateur sur Les crannibales, scénarisé Zidrou. Mais reste que son passage sur Spirou a été, pour l’auteur comme pour ses lecteurs, un moment charnière. 

Lorsque Jean-Claude Fournier a reçu la série Spirou, c’était pour lui une occasion de s’attaquer à un univers BD qui animait son imaginaire depuis qu’il était petit et de poursuivre le travail de son mentor. Et ce travail, il l’avait abordé sans pression ou stress: «J’ai l’impression qu’à l’époque, je ne me rendais pas compte de l’importance que ça pouvait avoir. C’était un rêve de jeunesse! J’y travaillais comme un petit amateur, qui faisait ça pour rigoler! Et, qui sait, c’est peut-être cette légèreté dans le travail qui a fait le succès des albums que j’ai proposés…»

Il faut dire que les albums de Jean-Claude Fournier, à l’image de ceux de Franquin, ont fait école dans l’évolution de la série Spirou et Fantasio: un univers fantastique qui se fait le reflet des préoccupations du réel, qui invite les lecteurs à porter un regard sur le monde qui les entoure, à le réfléchir, à le commenter. «Quand j’avais 12 ans et que j’ai lu Le dictateur et le champignon, ça a fait de moi le citoyen que je suis devenu», se rappelle l’auteur.

Ainsi, dans la suite de Franquin qui, avec Le dictateur, l’avait amené sur le terrain de la liberté d’expression et de la démocratie, Fournier, lui, conduit ses lecteurs sur celui de la xénophobie, des armes à feu ou, encore, avec L’Ankou, de l’énergie nucléaire. «Des Spirou que j’ai faits, c’est celui que je préfère. J’y traite de l’imaginaire mythologique celte à l’arrivée du nucléaire. Et cet album-là, en plus, c’est un peu un hommage à ma grand-mère: c’était une conteuse. Tous les soirs, elle me racontait une histoire. Et bien souvent, l’Ankou y apparaissait… J’en étais terrifié! D’ailleurs, dans toutes les traductions, c’est l’album qui se vend le mieux… Peut-être parce que, dans toutes les cultures, la figure d’un valet de la Mort comme l’Ankou existe. Chaque peuple s’y reconnaît un peu.»

Après Spirou, Jean-Claude Fournier poursuit son travail sur différentes séries et continue de chercher à se renouveler, se réinventer. Le style qu’il explore dans Spirou ou dans Bizu est bien différent de celui qu’il mettra de l’avant dans Les crannibales ou Les chevaux du vent (scénarisé par Christian Lax). «J’aime bien me lancer des défis, tenter des expériences, essayer de tromper les gens… C’est un peu mon côté farceur! Je propose des nouveaux dessins et personne ne croit que c’est moi qui les fais! J’arrive à 71 ans et je me dis que, si je ne fais pas ça, si je ne me lance pas sans filet, alors, véritablement, je vais commencer à vieillir! Je me dis que le dessin que je fais le jeudi, il faut que je le fasse différemment et mieux que celui que j’ai fait le mardi.»

 

Passer le flambeau

Quand Jean-Claude Fournier est arrivé en Bretagne, en 1969, il a été le premier auteur BD à s’y établir. Aujourd’hui, ils sont plus de 300 à y travailler. De ces auteurs, ils sont nombreux à être passés par l’atelier de Fournier pour y apprendre les bases du métier, y «recevoir la petite flamme» pour ensuite à leur tour la transmettre. «J’ai toujours été un pédagogue refoulé», indique-t-il. «Dans ces relations, je me vois plus comme un grand frère qui écoute, qui conseille, qui accompagne… Et dont les conseils peuvent aussi être questionnés!» D’Emmanuel Lepage à Lucien Rollin, Michel Plessix ou encore Gégé, l’influence de son travail est palpable chez les créateurs BD de Bretagne.

Au fil des années, il participe également à la promotion de la BD dans sa région et y fonde le festival Quai des bulles, à Saint-Malo, second plus important festival BD de France derrière celui d’Angoulême. «D’une certaine façon, la Bretagne a tout pour être une terre de bande dessinée! C’est un pays d’imaginaire, un pays de poésie… Et à peu près tous les Bretons sont des conteurs!»

Pour animer le festival, il invente des concepts. Parmi ceux-ci, le Conte à bulles, créé en 1993: un conteur, un dessinateur et un musicien attaquent conjointement une histoire, chacun dans leur discipline, mais avec un imaginaire commun. Un concept qu’il a déjà fait voyager et qu’il amènera le dimanche 13 avril 14h au Musée national des beaux-arts du Québec avec Yolaine, Todd Picard et Philippe Girard. «Notre défi, ce sera de s’assurer que nos disciplines viennent se complémenter plutôt que se répéter, d’amener plus loin le côté narratif du spectacle», explique l’auteur BD Philippe Girard (Lovapocalypse). Au fil du conte, c’est l’univers des Premières Nations qui sera exploré. «C’est la dimension fantasmagorique, liée à l’univers du rêve, qui est venue me chercher dans cette proposition», poursuit-il.

Il s’agira d’une première collaboration entre les festivals de Saint-Malo et de Québec. «Je fais partie de ceux qui sont œcuméniques! J’aimerais qu’il y ait beaucoup plus de rencontres et d’ententes entre régions qu’il n’y en a présentement», lance Jean-Claude Fournier. Pour Thomas-Louis Côté, directeur général du Festival de la bande dessinée francophone de Québec, il s’agit de l’amorce d’une collaboration qui amènera un partage d’expertises: «Nous avons la volonté de travailler à développer des collaborations, d’enrichir nos programmations respectives en profitant des idées originales et en donnant l’occasion de voyager à nos créateurs et concepts. C’est toujours un grand plaisir de partager, d’échanger… d’éviter de rester dans nos bulles!»

fbdfq.com

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Burlestacular au FBDFQ 

STRIP : Les héroïnes s’effeuillent. Voilà le titre de la toute nouvelle création de la délicieuse Cristina Moscini et sa troupe. Spécialement pensé pour le Festival de la bande dessinée francophone de Québec, ce spectacle portant l’étampe de Burlestacular est en fait une œuvre multidisciplinaire alliant dessins en direct et stripteases comiques. Irrévérencieuses, sexy, disjonctées, les drôles de dames de Labeaume City se déshabilleront sensuellement alors que les illustrateurs Jimmy Beaulieu (Le temps des siestes), BouletVal Mo et Julien Paré-Sorel se feront aller le crayon. Vous avez toujours voulu voir les dessous de la Castafiore ou de Catwoman? C’est votre chance.

 Jeudi 10 avril à 20h au Théâtre Petit Champlain