Chloé Sainte-Marie / Festival international de la littérature : Mille fois recommencer
Avec sa famille musicale, la lumineuse Chloé Sainte-Marie invite à découvrir ceux qu’elle encense tous les jours en les chantant et les récitant: les poètes québécois.
Paru l’automne dernier, À la croisée des silences regroupe 17 poèmes chantés et plus du double de poèmes récités. Choisis méticuleusement, ces poèmes ont été enregistrés par Chloé Sainte-Marie et son équipe, au fil d’un travail de près de dix ans, «dans la tristesse de voir Gilles [Carle] partir doucement».
Entourée du fidèle Réjean Bouchard à la réalisation et aux arrangements, et des mélodistes de talents Sylvie Paquette et Yves Desrosiers, elle a créé un univers poétique unique où les poèmes d’auteurs d’aujourd’hui et d’hier sont mis en valeur. Seul critère de sélection: l’appel du poème à la sensibilité de l’interprète.
Un travail de moine a suivi, déployé sur huit mois passés – toujours en famille musicale – dans la maison d’un poète entouré de 20 000 livres, résident du quartier Notre-Dame de Grâce. «Ç’a été long pour les poèmes chantés. J’aurais voulu avoir Rina Lasnier et bien d’autres, mais il fallait que je m’arrête! C’est aussi long les poèmes dits, c’est quasiment aussi dur que les poèmes chantés. Quarante poèmes dits, c’est long à faire, c’est beaucoup de travail. On se prépare de la même manière [que pour les poèmes chantés], sauf que t’as pas de background. T’as rien, donc il faut que tu recommences mille fois. Ça n’arrive pas au bout d’une lecture comme ça.»
Et pas question de se laisser surveiller par un producteur, d’avoir du temps compté en studio. C’est par la liberté que l’inspiration vient, pour Chloé Sainte-Marie. «L’inspiration, ça vient pas sur commande! C’est mille fois qu’on jette et qu’on recommence! […] Je me donne la liberté de prendre mon temps. C’est la seule chose qui me reste dans la vie, je me dis que je ne fais plus de concession. C’est pour ça que je l’ai produit moi-même.» Alors que Gilles Carle venait de quitter ce monde, Sainte-Marie s’offrait ce cadeau unique qui lui ressemble et qui rend justice au talent des poètes qu’elle affectionne particulièrement.
Transmettre la poésie
Puis est venu le temps de monter sur scène, avec sa famille musicale, avec ses amis et de nouveaux génies dont le talent lui parlait. Philippe Cyr, metteur en scène du spectacle À la croisée des silences, est de ceux-ci et a capturé l’essence du projet de Sainte-Marie, tout comme l’ont fait ses collègues musiciens. «Ce que les gars font, c’est prodigieux, lance la principale intéressée. Pour arriver à ça, il faut prendre le temps. L’album est une entité, autant que le spectacle.»
Si les 17 poèmes chantés trouvent leur place sur scène, les poèmes récités ont été remplacés par de nouveaux venus, sélectionnés par l’interprète et ses complices Bouchard et Cyr. La réception de ce nouveau spectacle est telle que Chloé Sainte-Marie et son équipe monteront sur la scène de la Cinquième Salle de la Place des Arts pour le Festival international de la littérature, dans une formule encore plus grandiose. Entre autres, Tempus Fugit de Jean-Paul Daoust sera interprété avec l’aide d’une chorale d’une cinquantaine de personnes, dirigée par Catherine Le Saulnier, rendant ce «Carmina Burana des temps modernes» dans toute sa splendeur. «Ça donne une œuvre magistrale. Jean-Paul [Daoust] dit que c’est un des poèmes les plus durs qu’il a dû écrire.»
Les vendredi 2 et samedi 3 octobre, à 20h, à la Cinquième Salle de la Place des Arts, dans le cadre du Festival international de la littérature.