Rencontre avec Biz pour la sortie de son dernier livre, Naufrage
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Rencontre avec Biz pour la sortie de son dernier livre, Naufrage

Un fonctionnaire à la déroute perdu dans le labyrinthe de la fonction publique, voilà le point d’ancrage du quatrième roman de Biz, Naufrage. Discussion avec l’auteur autour d’un verre lors du lancement.

Il y avait foule au bar Nestor, la famille, les amis, les admirateurs sont venus rencontrer le rappeur de Loco Locass qui assume maintenant son statut d’auteur à part entière. Il a su faire ses preuves dans le milieu littéraire en remportant l’an dernier le Prix France-Québec pour son roman Mort-terrain. Son éditeur Jean Barbe (éditions Leméac) salue l’écrivain Biz qui, à force de travail, a su développer un ton juste et trouver sa propre voix.

Frédérick coule des jours paisibles avec sa femme Marieke et son fils Nestor, mais tout bascule lorsque ce fonctionnaire subit une restructuration et se retrouve au Service des Archives. Ce bouleversement le conduit dans une spirale d’événements dramatiques qui viennent chambouler sa vie.

Le travail de Frédérick aurait pu être celui de Biz dans une autre vie. Celui qui a pendant un temps travaillé au service des loisirs de la ville de Québec et au ministère de la Culture déclare « avoir eu l’envie de la fonction publique jadis ». « C’est peut-être moi, mais un autre moi. Je ne porte pas de jugement sur mon personnage et j’aimerais que mon lecteur ait de l’empathie pour lui.»

Le personnage principal véhicule des valeurs fortes, telles que la culpabilité, la compassion, le pardon. La limite entre morale et valeurs humanistes peut être floue, mais Biz se défend de tout point de vue moralisateur et préfère placer l’humain au centre du propos.

« Je ne suis pas moralisateur. C’est drôle parce que quand je parle de culpabilité, de compassion, de pardon, j’ai l’impression que c’est un roman de curé avec des valeurs judéo-chrétiennes, alors qu’au contraire, je n’ai pas voulu prendre position. Je place la caméra derrière l’épaule de Frédérick, le narrateur, pour comprendre son point de vue. Je voudrais qu’on ait de l’empathie, de la compassion dans une ère où, il faut bien se l’avouer, il n’y en a pas tant que ça. Quand on assassine quelqu’un en 140 caractères sur Twitter sans rien connaître de sa vie, moi je me dis qu’on a besoin de plus de compassion.»

Naufrage ne dresse pas un portrait totalement noir et désillusionné de la fonction publique, mais dénonce la volonté de brimer l’esprit critique de l’individu. En tant qu’écrivain, Biz s’affranchit de cette contrainte et inscrit son livre dans ce qui se rapproche du roman social.

« Le personnage voit la fonction publique comme un rempart à l’arbitraire et comme une condition sine qua non à la démocratie. On ne s’en rend pas compte, mais en Occident, il n’y a pas de démocratie possible s’il n’y a pas de fonction publique. Elle utilise les instructions pour faire taire le règne de l’arbitraire qui est monnaie courante dans les dictatures. Donc, en ce sens-là, j’ai un réel respect pour la fonction publique, cependant cette structure permet, grâce à la permanence de l’emploi, de garder les gens, c’est-à-dire que même lorsqu’on a plus besoin d’eux on a quand même de quoi les payer, mais ça ne veut pas dire qu’on a du travail à leur donner. On rentre alors dans une dynamique d’aliénation complète, absurde, voire kafkaïenne, où l’on paie des gens à ne rien faire.»

« Mon personnage, poursuit-il, est confronté à ça au début du livre et sa réaction passe par le jugement de l’autre, mais à la fin il ne les juge plus parce qu’il se dit : ˝Dieu sait ce qu’ils ont connu pour être là eux autres, moi je ne peux pas les juger.˝ Il faut se méfier du jugement hâtif.»

Naufrage, Biz. Éditions Leméac, disponible en librairie.