David Cronenberg : Consumés
On connaît David Cronenberg d’abord pour son cinéma. Le réalisateur canadien nous a troublés avec des films comme The Fly, eXistenZ ou encore son adaptation du classique de William Burroughs Naked Lunch. Il s’essaie ici au roman avec une première parution, Consumés, aux éditions Gallimard. On sait de son cinéma qu’il est dérangeant, violent, visitant parfois les extrêmes, chahutant son spectateur par des faux-semblants et créant des ambiances aussi glauques qu’horrifiques. Reste maintenant à savoir si le réalisateur et scénariste a su transposer cet univers dans le domaine du romanesque avec succès. Dans ce premier livre, on suit deux photojournalistes en quête d’histoires à publier. Banal? Pas quand c’est écrit par David Cronenberg.
Naomi est à Paris. On a retrouvé une philosophe sexagénaire de la Sorbonne assassinée. On aurait cuisiné son corps, à même sa cuisinière. Son mari, lui, est porté disparu. Et suspect, par la même occasion. Naomi tentera donc de comprendre le fond de cette histoire. Qui était ce couple? De quoi avait l’air la scène? Où est ce mari? De fil en aiguille et de Paris à Tokyo, Naomi s’enlise dans cette histoire qui est encore plus sordide que ce dont elle en a déjà pourtant l’air. Nathan, lui, est à Budapest. Il effectue une séance photo lors d’une opération du docteur Molnár, suspecté de trafic d’organes. Ce dernier a aussi un restaurant au centre-ville, où les murs sont tapissés de photos de nus. La patiente qui se trouve sur la table d’opération est atteinte d’un cancer et se fait injecter des grains radioactifs, en plus d’être porteuse d’une maladie vénérienne disparue depuis belle lurette, que Nathan contractera, évidemment.
Voilà à peine l’ouverture de ce roman déjanté. C’est tout à l’image de son cinéma et peut-être même un peu plus. À ceux qui, comme moi, auraient pu croire à un vieux scénario remâché en roman, eh bien, ce n’est pas le cas. Il y a là les mêmes thématiques et le même désir de déranger, mais en embrassant le médium littéraire sans complaisance. La philosophe, en ouverture du roman, disait ceci: «La seule littérature authentique à l’ère moderne, ce sont les manuels d’utilisation.» Il y a peut-être un peu de ça dans le roman de Cronenberg, c’est froid et saccadé, mais ô combien percutant.