Eveline Mailhot : Deux jours de vertige
Après le recueil de nouvelles L’amour au cinéma, l’auteure Eveline Mailhot nous livre ici un premier roman aux allures de huis clos léger, si ce n’était de Sara, cherchant toujours à approfondir et à pousser plus loin sa compréhension des autres et d’elle-même. La prémisse de départ ne pourrait être on ne peut plus simple: des amis se retrouvent dans un chalet des Cantons-de-l’Est pour une fin de semaine festive pour l’anniversaire de l’une des leurs. Entre autres, Hugo, un ami et l’ancien amant de Sara, se présente, question de compléter à merveille ce tableau fait de tension, de désir et d’hypocrisie. Deux jours de vertige: bien assez pour remettre en question une existence complète en ne faisant semblant de rien.
Autour de la fêtée, Félicie, une Française un peu bourge, se retrouve une constellation de connaissances liées tantôt par des anecdotes savoureuses, tantôt par des désirs inassouvis, ou encore par des histoires terminées trop abruptement. Comme point d’ancrage, et d’observation, nous aurons Sara, doctorante qui n’en finit plus d’en découdre avec ses études. Elle voit la candeur de sa fin de semaine voler en éclat lorsqu’Hugo, l’ayant laissée pour une autre fille et un autre continent, se présente au chalet. C’est sur ces notes que commence un grand tango de 48 heures où on changera souvent, ou pas, de partenaire. Autant bouleversée que fascinée par la présence d’Hugo, la narratrice devient introspective et hypersensible, alors que chaque regard oblique, chaque cigarette fumée, chaque longue accolade et chaque rire gras semblent cacher beaucoup plus que les sourires niais et teintés d’alcool que tous ont sur le visage.
Il y a une simplicité déstabilisante chez Mailhot: tant dans une écriture qui ne force rien et qui montre pourtant beaucoup qu’avec une histoire banale et un lieu statique qui, toutefois, nous fascinent tant les réminiscences qui les accompagnent ont un parfum d’authenticité. Dans une concision narrative assez brillante, l’auteure parvient à dresser un portrait de société plutôt fascinant, celui des faux-semblants, des jalousies jalonnant l’amitié, des fantasmes peuplant trop souvent nos fraternités. Deux jours de vertige, c’est un week-end où on prend soudainement conscience du grand théâtre dans lequel on joue. C’est le vertige d’un quatrième mur qui nous éclate en plein visage. C’est le réel autour d’une bonne bouteille de blanc.