Grégoire Courtois : Les lois du ciel
Qu’adviendrait-il si l’espoir était inexistant? Si dans un étrange concours de circonstances, les vulnérables personnages d’un livre ne pouvaient être sauvés et, qui plus est, si ces derniers étaient des enfants de six ou sept ans perdus en plein cœur d’une forêt? Si l’auteur avait été clair avec nous dès le départ, qu’aucune absolution n’était possible, qu’aucun messie n’errait en ces pages? Qu’en aucun cas l’ordre des choses ici ne serait bousculé? Qu’au moment où cette forêt allait se refermer sur ce groupe d’une douzaine d’enfants, c’en serait fait? Alea jacta est. Voilà les prémisses des Lois du ciel, troisième roman de Grégoire Courtois publié au Quartanier. Douze enfants et trois adultes partent en escapade dans les forêts du Morvan et nul ne reviendra vivant.
Dès l’arrivée, à l’orée de cette forêt française, l’une des adultes responsables ne se sent pas bien. Un mauvais virus la prend en grippe et quelqu’un viendra la chercher. Entre-temps, l’autre mère accompagnatrice se perdra dans la forêt laissant Fred, l’enseignant, seul au camp racontant des histoires d’épouvante autour du feu. Et pourtant, quelques instants plus tard, les enfants crieront, courront dans tous les sens, s’enfouiront dans la forêt, seuls ou en petits groupes. Autant dire qu’ils courent vers les ténèbres. Vers l’enfer. C’est ainsi que commencent à s’égrainer les heures – les dernières – où ces enfants affronteront le réel qui, pour eux, est tant intangible qu’abstrait.
Il y a quelque chose de malsain, de pervers, dans ce livre de Grégoire Courtois. Plus le lecteur avance dans ce bouquin, plus il est guidé par une sorte de voyeurisme terrifiant, sachant pertinemment que l’histoire est sans issue. Dans un univers éditorial où des séries on ne peut plus violentes comme Hunger Games et Le labyrinthe se retrouvent à la tête des palmarès, la posture de Courtois rappelle celle du cinéaste autrichien Michael Haneke avec un film comme Funny Games. Une façon de souligner et de décrier la violence et la perversité de l’air du temps en mettant en scène l’indicible, l’impensable, le terrible. Les lois du ciel est un roman effroyable tant pour ce qu’il raconte que pour ce qu’il dit sur nous, lecteurs. Singulier et sans concession, porté par la prose sobre et étrangement empathique de son auteur, ce roman est une forêt dont on ne s’extirpe jamais complètement.