Michel Vézina : Pépins de réalités
Michel Vézina fut tour à tour clown, fondateur d’une troupe de théâtre, documentariste, rédacteur en chef, critique littéraire et théâtral, chroniqueur radio, directeur littéraire, écrivain, lecteur, carnettiste… et maintenant libraire ambulant. Il est difficile d’apposer une étiquette sur ce vagabond littéraire sans adresse fixe. Avec Pépins de réalités – vers tiré de la poésie de Jacques Prévert –, Vézina signe son quatorzième livre sous l’appellation «récit lysergique». À la façon d’un journal d’une année, il nous offre ici un carnet comme lui seul sait le faire. Embrassant l’hybridité littéraire qui remet en doute de plus en plus la forme romanesque, ce livre est le fruit d’un été de tous les possibles pour l’auteur, lui qui a vu son rêve d’ouvrir une librairie ambulante devenir réalité.
On propose ici une réelle plongée dans la psyché de l’auteur, un accès aux troubles et aux questionnements qui le tiennent en place, entrecoupée de souvenirs et de regrets. Pépins de réalités est, au fond, beaucoup plus qu’un simple carnet estival. Vézina s’y livre avec une liberté dont ses contemporains se réclament rarement. On y voit les deux figures qui l’habitent, soit le clown et l’écrivain. L’un veut mourir et l’autre aspire à l’immortalité. Tout au long de la lecture, on tente de conjuguer l’un et l’autre, avançant et reculant au rythme de leurs désirs. Interrogeant notre besoin de littérature et nos envies de s’extraire du monde, l’auteur donne l’impression d’avoir eu sept vies, toutes transcendées par les mêmes questionnements qui tiennent ses os en place.
Réflexions et pérégrinations, ce livre est marqué par l’écriture de Vézina, une écriture qui semble se moquer des codes et des genres, quelque chose de brut dans ces fragments, parfois proches de l’oralité et toujours dans l’urgence d’écrire, de dire, de crier, de hurler. Comment l’écrivain peut-il conjuguer sa finitude à la perpétuité des écrits? Maelström d’anecdotes, de souvenirs, de regrets, de réflexions, d’analyses, de coups de cœur et de coups de gueule, Pépins de réalités est un livre extrêmement personnel dans lequel, pourtant, on se retrouve étrangement. Ici vagabond littéraire aux accents circassiens, là-bas écrivain errant fort en gueule, Michel Vézina est un mythe comme il y en a peu dans notre monde littéraire. À nous de l’entretenir.