Une maison d’édition, c’est une enseigne sous lequel loge une grande famille d’œuvres, qui se font échos l’une à l’autre. L’éditeur peaufine et accompagne ses textes, car il désire les porter bien haut. Il est aussi celui par qui transigent les nouvelles voix, celles encore sourdes, mais qui font pourtant résonner notre condition. Après Sophie Bienvenu, Mikella Nicol, Simon Brousseau, de même que la naissance romanesque de Fanny Britt, l’éditrice Geneviève Thibault, bien en selle sur son Cheval d’août, présente un nouveau poulain en Sébastien La Rocque. Avec Un parc pour les vivants, ce dernier s’assure de ne pas passer inaperçu.
Il y a quelques années, Bernard Émond titrait l’un de ses recueils de chroniques Il y a trop d’images. C’est un peu sous ce jour que naît le premier roman de La Rocque, où chaque personnage y collectionne des souvenirs ou les y entasse au moyen d’une manie quelconque et parvient, d’une façon ou d’une autre, à les maintenir à flot. On retrouve Marin, ce vieil antiquaire d’une autre époque, qui voit inéluctablement sa profession se dissiper, alors qu’il s’enferme dans son appartement avec les quelques reliques restantes de son commerce. L’un prend la fuite, question de s’extraire du monde, alors que l’autre laisse la télévision marteler image après image ses accroches commerciales au fond de sa rétine. Et il y a bien sûr Michel, l’intellectuel qui est tombé dans le piège de vouloir lire tous les livres.
Construit par à-coups sur une trame chronologique qui elle-même se dissout – Le premier jour, le deuxième jour, les jours d’après –, Un parc pour les vivants se lit à la façon d’un roman choral sans en être vraiment un. Les trames se chevauchent plus qu’elles ne se rencontrent, laissant toute la place à la nuance et à la finesse de l’écriture de Sébastien La Rocque. Ici, il explore un sujet pourtant vieux, mais restauré avec beaucoup d’amour, à l’image du personnage d’antiquaire: soit l’accumulation de discours, de rêves, de théories, de désirs; autant de collections pour faire de l’ordre dans le chaos. Et dans une prose étonnamment tendre, c’est toujours sans qu’on s’y attende que l’auteur nous sert quelques morceaux de bravoure.