Au bureau, les livres s’accumulent rapidement. Sur la table, les nouveaux arrivages s’amoncellent. Dernières sorties du printemps ou premières de l’été… elles sont là.
Des romans, des essais sur le droit à l’image, des récits sur les femmes pirates… sont empilés. Il y a beaucoup de «rejets» aussi. En général, je passe sans trop regarder. Or, là, mon œil a été attiré par une photo de couverture traitée au filtre bleu. Une des fameuses photographies où on voit John F. Kennedy et Jacky en bermudas accroupis sur leur voilier en gîte, les voiles bien gonflées. Les lettres JFK en blanc couvrent le tiers de la page, et en superposition, ce titre intrigant et un peu jaune: une histoire sexuelle.
Toujours est-il que, humain curieux, attiré probablement par le mot «sexuelle», j’ai pris le bouquin dans mes mains pour voir de quoi il en retournait. Tellement de choses ont été dites et écrites sur ce président des États-Unis, que pouvait-on encore en révéler?
En quatrième de couverture, entre autres ces mots: «Derrière la légende que célèbrent les magazines se cache cependant une réalité moins glamour: celle d’un don Juan prisonnier d’une véritable addiction sexuelle, qui collectionne de façon obsessionnelle les conquêtes.» Des potins? Nouveaux? Et je me suis mis à feuilleter comme on feuillette un peu honteusement le Gala au Kiosque à journaux. En fait, en m’y attardant, j’ai réalisé que cet ouvrage – cet essai, ce récit – était écrit par un ancien diplomate, avocat, docteur en science politique et ancien élève de l’ENA, Georges Ayache, qui s’est déjà commis en écrivant plusieurs ouvrages sur les États-Unis.
Et j’ai mis JFK: une histoire sexuelle dans mon sac avec l’idée de satisfaire mon plaisir coupable. Avec qui John, dit Jack, avait-il couché à part quelques actrices et Marilyn? En fait, Ayache, si on en croit ce qu’il nous présente, s’est lancé dans une quête exhaustive des liaisons du président.
Cet ouvrage qui n’est pas particulièrement bien écrit et plutôt bizarrement construit s’enfonce de chapitre en chapitre dans un va-et-vient quelquefois ridicule. Ce qui provoque, inévitablement, page après page, une certaine lassitude et une impression de déjà-vu. S’il y a cependant des éléments aussi intrigants qu’intéressants, il y a aussi cette amorce quelque peu dérangeante qui fait de ce coureur de jupons notoire «un malade sexuel… à la libido dangereusement hypertrophiée jusqu’à la maniaquerie sexuelle».
On se calme! D’autant plus que, du coup, l’auteur écarte les liens troublants qui, bien souvent, que ce soit chez un Clinton ou un Berlusconi ou un empereur de la Rome antique, se tissent entre le pouvoir et un appétit démesuré pour le cul.
JFK: une histoire sexuelle pourrait être considéré comme un banal récit. Or, c’est plutôt un étalage des frasques du fils de Joe Kennedy, cet Irlandais catholique qui, semble-t-il, a élevé ses fils dans un esprit de compétition et de conquête féminine. Et on commence dès son plus jeune âge, en s’attardant sur ses grands amours, en se nourrissant au vivier hollywoodien qui fourmille de jeunes actrices, en stoppant la plupart du temps chez Sinatra à Vegas, en plongeant au passage dans une mer de mondaines et de strip-teaseuses, jusqu’à Jacky et après Jacky, jusqu’à la Maison-Blanche et dans la Maison-Blanche.
Si par moment tout ça m’est apparu un peu répétitif, certains passages, et pas nécessairement ceux concernant sa relation avec Marilyn dont on ne nous a pratiquement rien caché, sont plus intrigants, voire fascinants.
On a souvent fait référence aux liens étranges entre Kennedy et la Cosa Nostra. Probablement même que sans la mafia, le sénateur John Kennedy ne serait jamais devenu le 35e président des États-Unis, et ce, même si quelques années plus tard son frère Bobby, alors ministre de la Justice, devait déclarer une guerre sans merci au crime organisé.
Bref, c’est certainement cette accession au pouvoir suprême de John Fitzgerald Kennedy et son rapport presque intime avec un des parrains de la mafia, Sam Giancana, qui demeurent les plus déconcertants. Là aussi, il s’agit d’une histoire de femme puisque les deux hommes ont conservé des liens étroits grâce à une maîtresse commune, Judith Campbell. Les chapitres mettant en scène cette jolie brune qui n’était guère très spectaculaire sont les plus captivants puisqu’ils étalent ouvertement la connivence entre le pouvoir politique et le pouvoir criminel.
En fait, je comprends pourquoi, aujourd’hui encore, Kennedy exerce une fascination. Tous les ingrédients nécessaires à un scénario efficace étaient alors réunis: l’argent, l’ambition, des personnages hors-norme, les femmes, leur beauté, la cupidité, les magouilles, le pouvoir, le sexe et l’amour… Tout, tout, tout était là.
Bon, je ne vous dis pas de vous précipiter sur ce curieux bouquin, mais il est étonnant de constater à quel point quelquefois, par le hasard ou la manipulation, la réalité dépasse la fiction.