Livres

Salon du livre de Montréal / Andrée A. Michaud : Transcender le genre

Depuis maintenant 30 ans, Andrée A. Michaud travaille sur une oeuvre qui mature au fil du temps, qui gagne en cohérence au fil des livres. Invitée d’honneur du Salon du livre de Montréal, elle publie cet automne son 11e roman, Routes secondaires. 

Après le succès de Bondrée (2014, Prix du Gouverneur général, Prix Saint-Pacôme, Prix Arthur-Ellis et Prix des lecteurs au festival Quais du polar à Lyon), Andrée A. Michaud ne tombe pas dans le piège d’une recette, ne réécrivant pas son précédent livre et décidant plutôt d’y aller avec un pari risqué. Dans Routes secondaires, l’auteure questionne l’écriture en se mettant en scène, créant ainsi un jeu de miroirs entre l’écrivaine et ses créations. Un livre qui est tout simplement venu à elle.

«C’était très spontané. Les phrases qui ouvrent le roman me sont arrivées un peu comme je le décris dans les premières pages. J’errais dans le 4e rang de mon village et elles me sont apparues: «Je dois m’appeler Heather». Elle doit s’appeler Heather. À ce moment-là, j’ai compris que j’allais me mettre en relation avec l’un de mes personnages.»

Bien qu’on la qualifie d’auteure de polar, de roman policier, l’œuvre d’Andrée A. Michaud déborde d’un label que certains pourraient trouver contraignant. Un genre qu’elle aime autant lire que le transcender dans l’écriture. «C’est un genre que j’adore, mais à force d’en lire c’est souvent la même chose. C’est parfois même superficiel, car on se limite à une intrigue, à certaines actions, et on ne va pas plus loin. Pourtant, je pense que ce genre-là nous offre des pistes de réflexion incroyables: la folie, la violence, la mort. Et c’est ça que je tente d’aller chercher: utiliser ces codes-là qui ont un intérêt certain, les transgresser et aller plus loin, tant dans la forme que dans l’exploration des thèmes amenés par le genre.»

routes_aamichaudPlacé en plein cœur de l’Estrie, Routes secondaires se veut un jeu sur les niveaux de lecture. Si la disparition d’Heather Thorne vient fasciner le lecteur, l’obnubilation de l’écrivaine face à son sujet devient la locomotive du roman, le fil d’Ariane traversant la forêt. Les lieux revêtent toujours une importance dans les écrits de Michaud, ils créent tant une atmosphère qu’il catalyse l’oppression du lecteur et des personnages dans le huis clos qu’est le livre.

«On dit souvent de mes livres que le territoire est un personnage dans mes histoires et j’en suis plus ou moins d’accord, parce que pour moi il n’a pas la même fonction, même si c’est un élément primordial. Quand je commence un livre, c’est très souvent le décor qui prime. Les lieux auront toujours une incidence sur ce qui s’y déroule.»

Celle qui peaufine ce qu’on pourrait appeler le «polar littéraire» s’est parfois retrouvée assise entre deux chaises, sans jamais s’en plaindre. Certains trouvaient ses polars trop littéraires, alors que d’autres trouvaient ses romans trop policiers. Au fil du temps, elle est parvenue à une singularité de style qui fait envie, celle qui nous ramène toujours à ses livres.

bondree_aamichaud«On m’a peut-être boudée un peu, mais en même temps, de tous mes livres, j’en qualifierais peut-être que deux de « vrais » polars. Parfois, oui, il y a une intrigue, une enquête, une disparition, un policier, mais ce n’est pas nécessairement du polar. […] On le dit moins, mais on l’a dit souvent, c’est que mes livres étaient difficiles. Ça m’a toujours agacée, je n’ai jamais trouvé que j’écrivais des livres compliqués. On se fout un peu qu’une phrase soit longue ou courte, tant qu’elle est claire. Même si on le dit de moins en moins, je ne pense pas que mes textes soient pour autant plus simples.»

Celle qui a passé un certain temps en 2017 de l’autre côté de l’Atlantique à promouvoir Bondrée en France (publié aux éditions Rivages) conclura cette année folle avec un marathon de rencontres et de discussions au Salon du livre de Montréal. Le travail de l’écrivain en étant un éminemment solitaire, ce genre de bain de foule est toujours un exercice aussi particulier que galvanisant.

«Depuis quelque temps, on demande beaucoup à l’écrivain d’être sur la place publique et ça n’a pas toujours été le cas. On semble très vite oublier de nos jours, si on ne prend pas la parole, mais reste que j’ai l’impression que très souvent les œuvres se défendent elles-mêmes. […] Ce qu’on a donné, normalement, on le donne dans nos livres. Et dans un exercice comme celui-là, l’écrivain doit combler l’attente que ces gens, les lecteurs, ont envers l’écrivain. Ça demande beaucoup d’énergie, mais c’est quelque chose de tellement de positif.»

Le Salon du livre de Montréal se tient du 15 au 20 novembre

salondulivredemontreal.com