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Kamel Daoud : Zabor ou Les psaumes

Kamel Daoud publiait l’année dernière Mes indépendances, recueil de ses chroniques tenues dans le Quotidien d’Oran, le quotidien le plus lu d’Alger. Ce sont ces mêmes chroniques qui sont à l’origine d’une fatwa et de menaces de mort contre lui. Son premier roman, Meursault contre-enquête (une réécriture de L’étranger de Camus de point de vue de la famille de l’Arabe assassiné sur la plage), fut finaliste au Goncourt et lauréat du Goncourt du premier roman. Il revient avec Zabor ou Les psaumes, un roman où l’écrivain expose sans gêne son rapport romantique et total à l’écriture. Dans une société où tous semblent refouler désirs et envies, Zabor se questionne sur la liberté par l’écriture et la littérature.

Fils du boucher du village, Zabor est l’enfant dont on a honte, celui qui a toujours le nez dans les bouquins à défaut de rester les yeux bien collés sur le livre sacré. Vivant un peu reclus du village avec une tante vieille fille, il passe ses journées à lire et à écrire, à remettre en question l’ordre des choses et à trouver le sublime à même les mots. Alors que plusieurs baissent le regard en le croisant dans la rue, ils sont plusieurs, le soir tombé, à venir à sa porte quémander ses services, car l’écriture sauve des vies. Bien que la formule soit galvaudée, ici c’est exactement ce dont il est question. Lorsque Zabor se retrouve au chevet des mourants, il écrit des nuits durant, éloignant la mort et peuplant ainsi la ville d’une étrange proportion de centenaires.

Avec une prémisse particulière, le roman de Daoud laisse se déplier une langue riche et envoûtante, les phrases partent en vrilles, les aphorismes se découvrent au détour des pages, laissant Daoud exprimer haut et fort son besoin de littérature. Livre-plaidoyer, Zabor ou Les psaumes est d’abord celui d’un homme qui a décidé de ne pas se taire, celui d’un écrivain qui trouve dans la fiction une liberté plus grande que dans les chroniques. Car si, comme le dit Zabor, «la langue est le versant impétueux du silence», Daoud n’hésite pas ici à aborder les tabous d’une société qu’il n’a jamais eu peur de critiquer: la sienne. Tantôt vindicatif, tantôt sulfureux, mais toujours habilement littéraire, Zabor ou Les psaumes se lit comme une charge en règle, comme une fête, comme un souffle, comme un conte; une entreprise tout aussi ambitieuse qu’ingénieusement menée.

Zabor ou Les psaumes
Kamel Daoud
Actes Sud, 328 pages, 2017
ISBN : 9782330081737