Écrire Montréal ne se fait pas sans une intime connaissance des gens qui y habitent, sans poser un regard empathique sur les destins de tout un chacun que tous souhaitent interchangeables, où tous espèrent mieux. Avec son troisième livre, Les noyades secondaires, Maxime Raymond Bock poursuit une œuvre concise et à échelle humaine, démontrant une fois de plus qu’il est fort probablement le plus brillant nouvelliste de sa génération. Au fil des pages et au rythme des nouvelles, il parvient à cartographier Montréal de quartier en époque, dessinant habilement les frontières du rêve qui, trop souvent, ressemblent à une track de chemin de fer et à la côte Sherbrooke.
La nouvelle Exérèse ouvre le recueil, réécrivant avec génie le vol du cœur du frère André à l’oratoire Saint-Joseph en mars 1973. Bandits de bas étage habitués aux menus larcins, les voilà qui tentent le grand coup et se mettent à rêver. Le plan tombe à l’eau quand l’Église refuse de payer la rançon, et pendant près de deux ans, cet organe traînera dans le fond d’un garde-robe d’un appartement de Centre-Sud. C’est ici qu’on retrouve l’essence de chacune des nouvelles de Bock, un étrange – mais parfaitement équilibré – mélange de grotesque et de quotidienneté qui porte en lui misère et espoir. À quelques reprises, l’écrivain fricote avec le fantastique – on n’a qu’à penser à la délectable nouvelle Mystères d’Anna Canuel, où une jeune romancière est retrouvée morte dans son appartement avec, comme seule pièce à conviction, un manuscrit fraîchement achevé; à sa lecture, toute personne se rendant à la fin voit sa tête exploser.
Grotesque, oui, mais pas que. Les personnages de Bock sont toujours pris entre deux eaux, une noyade les guettant. Un homme à l’urgence aux prises avec un pneumothorax, un historien sombrant dans la folie d’une ville enfouie, un metteur en scène qui tient mordicus à inclure une urne dans sa scénographie ou encore des retrouvailles d’amis d’enfance qui virent au vinaigre. Mais perdre son temps à décrire chacune de ces nouvelles ne rendrait pas justice au talent de Maxime Raymond Bock, car l’essentiel se passe ailleurs: dans le maniement admirable et consommé de la digression comme peu en sont capables, où chaque histoire est bien plus que son unique trame narrative.