Vincent Almendros : Faire mouche
Il va sans dire, l’été est chaud et collant à Saint-Fourneau, village fictif créé en plein cœur de l’Auvergnat par l’auteur français Vincent Almendros. Quelques années après Un été, l’auteur propose toujours chez Minuit un huis clos en terre natale où les cicatrices du passé semblent bien vives, même si le narrateur ne les évoque que superficiellement. Lorsqu’on fuit l’histoire familiale, on se voit toujours obligé d’y replonger au détour d’un mariage ou de funérailles. Quand sa cousine Lucie décide de se marier à Pierre, Laurent Malvère se voit contraint de prendre la route avec sa fiancée enceinte de trois mois pour retourner sur des terres qu’il aurait tant désiré laisser en jachère. Almendros dépeint ce périple de quelques jours en à peine une centaine de pages avec la concision et le talent des écrivains qui ont fait la renommée de cette maison d’édition.
Quand Laurent arrive en fin de soirée dans le hameau familial, il profite du silence et du sommeil de Claire sur le siège passager pour prendre une bonne respiration, sachant très bien que les prochains jours ne seront pas simples. Bien que le passé familial et les relations tendues entre une mère et son fils eussent été bien suffisants pour meubler le court roman, on comprend que l’histoire n’est pas aussi simple qu’on pouvait bien le croire lorsque Laurent présente Claire à son oncle en l’appelant Constance. Une amie qui se fait passer pour une fiancée, un oncle mourant, une mère marâtre, une cousine entêtée et, par-dessus le marché, le frère de la vraie fiancée qui ne cesse d’appeler alors qu’il se retrouve sans nouvelles de sa sœur. On vous le donne en mille: rares sont les périples familiaux qui sont aussi glauques et délectables que ceux de Vincent Almendros.
Ce qui est fascinant ici, c’est la concision de la langue et la maîtrise du suspense dont l’auteur fait preuve tout au long. Les chapitres courts et les dialogues ciselés servent de moteur à l’histoire d’Almendros, qui, durant tout le livre, s’assurera de laisser plusieurs questions sans réponses, créant ainsi des scènes tout aussi tendues que spontanées, que ce soit le déjeuner avec la mère ou la cueillette de champignons, qui se déroulent comme si quelque chose de terrible allait advenir. Tendu sur le fil d’un rasoir, ce roman étouffant est une belle réussite.