Yvon Rivard : Le dernier chalet
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Yvon Rivard : Le dernier chalet

Que reste-t-il au soir de notre vie autre qu’un été qui chante, un fleuve qui nous toise et l’extrême fixité des choses? Dans Le dernier chalet, où Yvon Rivard convoque Philippe Forest, Gabrielle Roy, Virginia Woolf, Friederich Holderlin, Rainer Malker Rilke et tant d’autres, l’écrivain assoit une pensée comme on érige un jardin: avec la patience des saisons et au hasard des jours. On retrouve l’alter ego de Rivard en la figure du personnage d’Alexandre, qui est peut-être la seule raison pour laquelle on a accolé l’étiquette de roman à ce livre qui dépasse largement les frontières du genre. Rivard nous convie plutôt à une plongée au fond des choses, errant entre le récit et l’essai. Le texte hybride, composé de divers sentiers réflexifs, propose une marche lumineuse.

Alexandre cherche le lieu de l’écriture. Entre la ville et la campagne, entre le fleuve et sa compagne, l’enfance et la vieillesse, il tente de cerner un livre duquel il pourra renaître dans l’écriture. D’un chalet à l’autre, les pièces sont trop grandes ou trop étroites, le fleuve est trop loin ou trop près, le paysage est trop vallonné ou trop montagneux et l’écriture, elle, advient difficilement. Sa compagne, Marguerite, le suit dans ses pérégrinations où il cherche à la fois l’enfant qu’il était, l’homme qu’il est devenu et l’écrivain qu’il aimerait être. Et c’est dans ce chalet du Bas-Saint-Laurent qu’ils s’installeront, dans ce dernier chalet où l’existence tentera de se replier sur elle-même, appelant ainsi à la table les anciennes amours, les amantes d’autrefois, les écrivains qui ne cessent de nous suivre et les petits-enfants qui, à eux seuls, peuvent montrer le chemin.

Créant une judicieuse chambre d’écho avec Cet été qui chantait de Gabrielle Roy – livre écrit alors que l’écrivaine s’était installée dans sa maisonnette de Petite-Rivière-Saint-François –, Rivard propose une réflexion sur ce qui advient de l’existence lorsqu’on ne peut plus la remodeler. Sans jamais mythifier l’écrivain ou la littérature, il juxtapose les réflexions sur la nécessité du paysage à celles sur la façon d’être au monde, s’interrogeant tantôt sur l’occupation du territoire, tantôt sur l’impossibilité de l’écrivain d’écrire les livres qu’il aime. Le dernier chalet propose un temps d’arrêt, une grande respiration. Voilà un livre comme un refuge dont l’adresse nous est encore inconnue.

Le dernier chalet
Yvon Rivard
Leméac, 208 pages, 2018
ISBN : 9782760947719