Simon Brousseau : Les fins heureuses
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Simon Brousseau : Les fins heureuses

Après un premier livre qui avait des allures de quête formaliste – sans pour autant être dénué d’humanité –, Simon Brousseau propose cette fois-ci un recueil de nouvelles plus classique, sans laisser de côté ses questionnements sur la banalité de l’existence. Si Synapses regroupait plus de 200 microfictions d’une phrase narrées au «tu», Les fins heureuses se compose de plus d’une vingtaine de nouvelles dont certaines s’entrecoupent au fil des pages. Ici, le trivial recèle l’extraordinaire, alors que la fin heureuse n’est pas nécessairement celle que l’on croit. Si le projet peut sembler d’un cynisme à peine voilé, il faut lire Brousseau pour cerner toute l’affection qu’il porte à ses personnages, toute l’empathie qu’il a pour nos petits échecs.

Brousseau exploite avec intelligence le quotidien. Un nageur laisse une lettre dans un casier en espérant convaincre un homme de cesser de monopoliser la voie rapide. Un propriétaire de logement tente d’assouvir des désirs sexuels particuliers avec un locataire en manque d’argent. Un travailleur de FlyCore – une usine droguant ses employés pour augmenter leur efficience – retrouve le bonheur en jumelant une nouvelle substance au sérum de productivité. Un scientifique apprend que la fin du monde est proche, mais préfère tenir un journal plutôt que d’aviser ses semblables. Toutes les raisons sont bonnes pour trouver la félicité dans le désastre, Les fins heureuses propose de multiples façons d’avancer malgré une profonde vacuité existentielle. La nouvelle la plus réussie, «Le maître du jeu», raconte une partie de Donjons et dragons dans laquelle l’auteur parvient à démontrer comment nos fuites du réel sont rarement des succès. Un tour de force.

On se surprend à corner plusieurs pages tellement le tendre cynisme de Brousseau peut être réconfortant: «On a l’impression de savoir ce qui nous plaît, mais c’est une manœuvre de l’esprit se rassurant comme il peut – c’est-à-dire comme un enfant désemparé – devant le gouffre des choses qu’il ignore.» Parce que comme Denis, notre travailleur d’usine qui a «découvert, sous une croûte de sauce brune au fond d’une casserole, l’indifférence du monde à son égard», on découvre avec plaisir qu’il y a peut-être un mode d’emploi pour gérer nos défaites, que parfois la résilience réside dans la répartie et qu’au final, les fins heureuses ne seraient peut-être qu’une construction de l’esprit.

Les fins heureuses
Simon Brousseau
Le cheval d’août, 206 pages, 2018
ISBN : 9782924491263