Pauline Delabroy-Allard : Ça raconte Sarah
Ça raconte Sarah. Ça raconte une histoire d’amour, d’inconnu, de désir et de déception. Ça ressemble à plein de choses qu’on a déjà lues, mais ça pique la curiosité. Ça s’installe lentement pendant la lecture. Quelque chose comme un point, au creux du ventre, juste à côté des envies. Ça bat de phrase en phrase, de page en page, de chapitre en chapitre. C’est étonnant, parce qu’on se dit: «J’ai déjà lu ça.» C’est fascinant, parce qu’avant d’y plonger, on pensait: «Pas une autre histoire d’amour.» Ça fonctionne, mais on ne saurait dire pourquoi. C’est vivant, incandescent, brûlant. C’est comme ça les livres parfois. C’est de la magie, ça ensorcelle. Ça raconte Sarah est un tour de force littéraire, un mausolée en l’honneur de ces histoires qui ne nous quittent pas.
C’est quelque part entre latence et fulgurance que se retrouve ce premier texte de la Française Pauline Delabroy-Allard. À sa lecture, on se rappelle pourquoi on lit. On se souvient de l’espoir qu’on porte en chaque livre dans l’expectation d’une telle révélation. Professeure de lycée, la narratrice n’est jamais nommée. Jeune célibataire et mère d’une petite fille, elle rencontre Sarah lors d’un réveillon, chez des amis. C’est à ce moment qu’une allumette tombe. Celle qui met le feu aux poudres. Tout au long de la lecture, on a cette impression de suivre cette étincelle qui serpente le bitume jusqu’à l’éclatement. Partout dans Paris, tantôt même jusqu’à la mer et jusqu’à Trieste, en Italie, pourquoi pas. Et ça revient, et ça crépite, jusque dans la chambre à coucher et sous les draps. C’est une explosion à venir, ou peut-être même advenue. Du mois, c’est un peu ça. Et beaucoup d’autres choses aussi.
De cette rencontre en découle une autre et une autre. Assez rapidement, la narratrice – comme le lecteur – tombera folle amoureuse de Sarah, cette violoncelliste qui vit comme d’autres fantasment. C’est une première d’histoire d’amour homosexuelle pour chacune d’elle, mais ça importe si peu. C’est une histoire d’amour comme un météore. C’est une histoire de mort, aussi. De violence, bien sûr. C’est un cours d’écriture et un ravissement de lecture. C’est d’une maîtrise littéraire, un tour de force. Ça raconte Sarah, oui, mais nous aussi, certainement.