La petite rose de Halley
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La petite rose de Halley

Depuis Le mal de Vienne (L’Hexagone, 1992), l’écrivain, pianiste et compositeur Rober Racine poursuit un travail aussi cohérent qu’éclectique, donnant à lire de curieux ouvrages. Son précédent, L’Atlas des films de Giotto (Boréal, 2015), proposait des centaines de vignettes informatives à la manière d’un TV Hebdo sur des œuvres fictives, faisant ainsi voyager le lecteur dans un immense champ des possibles et démontrant par le fait même la multitude des fictions à construire. Son plus récent, La petite rose de Halley, est un roman plus conventionnel, mais qui embrasse large comme Racine se plaît à le faire. Grégory Paxton, un radiologiste d’une soixantaine d’années, reçoit une lettre l’accusant d’avoir tué un bébé alors qu’il n’était âgé que de cinq ans. Comment continuer d’avancer lorsqu’on nous demande, du jour au lendemain, de porter en nous un meurtre dont on ignore tout?

Paxton est seul face à cette révélation, ses parents étant décédés, il lui est donc impossible de s’assurer que ce qu’avance cette lettre est véridique. S’ensuit une fuite en avant où il partage son temps entre la maison familiale à Hudson et le Japon, il s’intéresse aux ombres qu’ont laissées les bombes nucléaires dans Nagasaki et Hiroshima, alors que sa fille Marie se perd dans un travail sur Denis Vanier qui l’emmènera dans les rues du Village et les traces du poète. Tania complète le portrait familial, mère de Marie et femme de Grégory. Elle entretient une relation extraconjugale qui se révélera un cul-de-sac émotionnel.

Ce qui est bien avec Racine, c’est qu’il sait se jouer des faux-semblants, les arcs narratifs étant toujours matière à digression, les pensées de Grégory, Tania et Marie viennent bonifier un roman déjà dense. L’auteur parvient à juxtaposer ses histoires sans jamais nous donner l’impression qu’il y travaille trop fort, elles suivent leur cours et se rejoignent dans la finesse de l’écriture et dans l’acuité des réflexions de Racine. Si la majorité du livre se déplie justement par une narration lente et introspective, la finale des plus romanesques jure un peu dans le ton; on aurait préféré que l’écrivain nous laisse avec quelques questionnements plutôt que de clore le tout avec éclat. Livre surprenant, mais non sans faute, La petite rose de Halley s’inscrit bien dans l’œuvre de l’écrivain, lui qui se retrouve rarement là où on l’attend.

La petite rose de Halley
Rober Racine
Les éditions du Boréal, 240 pages, 2019
ISBN : 9782764625668