Enki Bilal : Bug (tome 2)

Depuis bientôt 50 ans, le bédéiste Enki Bilal travaille à ériger un édifice inégalé en ce qui a trait au neuvième art. Avec des séries telles que Fin de siècle, Nikopol et Monstre, le dessinateur français d’origine yougoslave a su marquer le paysage de la bande dessinée avec un trait reconnaissable d’entre tous et des scénarios aux accents futuristes, mais qui, bien souvent, puisent leurs origines à même les cicatrices de la guerre froide et de l’échec du communisme. Avec sa nouvelle série Bug, il nous plonge dans un futur tout numérique où une nébuleuse de couleur bleue, derrière la face cachée de la lune, menace l’équilibre des choses et l’avenir même de la civilisation. Un homme, cosmonaute, entamant son retour sur Terre après une mission martienne, contracte un étrange virus ayant tué l’entièreté de ses collègues d’équipage. Et s’il était le sauveur?

Encore une fois, Bilal nous plonge rapidement dans un univers complexe dont il connaît tous les recoins. Dans Bug, tout, absolument tout est numérisé. Ainsi, lorsque le monde s’éveille et que les serveurs sont à sec d’information, tout s’écroule. Les avions s’écrasent, les hommes et les femmes avec des puces qui les gardent en vie périssent, les foules affolées pillent les villes et usent de violence, alors que tapis dans l’ombre, certains groupuscules politico-militaires souhaitent utiliser la catastrophe à leur avantage. De retour sur Terre, l’astronaute Kameron Obb sera l’homme le plus recherché de la planète: ce seul survivant possède en lui une entité vivante microscopique qui serait peut-être à l’origine du bogue informatique, mais cette dernière lui donne des capacités mnémotechniques surhumaines. Sur son dos, une poignée de groupes criminels et la majorité des grands gouvernements.

Dans ce deuxième tome de la série, le suspense tourne autour de Gemma, la fille de Kameron, que tous considèrent comme le meilleur appât pour mettre la main sur l’infecté. Bug se présente comme un Bilal pur jus, avec sa façon unique de superposer dessin et peinture, et l’effet frappe encore ici dans le mille. Si la série peut souffrir de quelques esbroufes et de certaines fausses bonnes idées, on n’est pas près de jeter la première pierre tant que cette série ne sera pas close: on connaît le talent de l’auteur pour des cycles de longue haleine où il cesse de nous surprendre. En bref, les admirateurs du dessinateur seront comblés et les néophytes seront médusés.